En mars 2003 aux Etats Unis, Huawei (Shenzhen), l’équipementier informatique était accusé par Cisco de copier ses routers : pour éviter un cuisant verdict, il se retirait du marché américain. Comme parade, il créait avec 3Com, autre firme américaine, une JV en Chine à 320M$. Puis en décembre 2006, les partenaires se battaient: Huawei rachetait les parts de 3Com (882M$), qui disparaissait de Chine.
Le 28/9, s’achève une autre étape de cette guéguerre: Ren Zhengfei, boss de Huawei rachète 16,5% de 3Com, le reste allant à Bain, compagnie d’investissement américaine, pour 2,2MM$. Le deal fait froncer les sourcils au Sénat, tenté de bloquer le deal pour raison stratégique, comme lors de la tentative de rachat d’Unocal (7e pétrolier mondial) par Cnooc (la compagnie pétrolière off-shore) en 2005. Mais les experts restent perplexes, sur la logique de Huawei : pourquoi racheter un 3Com moribond? Gros risque ! La cohérence de cet investissement réside dans le « fil rouge » de la stratégie du groupe —prendre pied sur ce marché américain… Suivant ainsi pied à pied ZTE, son rival intérieur, qui signait dès 2006 un cadre d’association avec Cisco !
NB : c’est ainsi qu’une manoeuvre judiciaire de Cisco pour protéger son marché maître, a abouti au rachat de 3Com, son rival mourant, par Huawei, son rival émergent !
Le 30/9, dans une autre affaire, on constate le recours à la même méthode, cette fois par un groupe chinois. Suite à une bataille légale menée depuis 1999 avec Chint, un de ses copieurs, Schneider, leader des disjoncteurs (50% du marché local) est condamné au à Wenzhou (Zhejiang) pour… piratage au détriment de Chint. Le juge l’enjoint de cesser de produire cinq disjoncteurs, et l’astreint à 31M² d’amende. Selon Guy Dufraisse, le Président de Schneider-Chine, Chint a obtenu ce résultat en parvenant à déposer avant lui à Pékin, une partie de ses propres brevets.
Une cause possible de cette offensive, est l’imminence d’une JV de Schneider avec un autre de ses gros copieurs, Delixi (Wenzhou), 4000 ouvriers, usine de 100.000m² : Chint, tentant ainsi de prévenir par cette frappe judiciaire, la montée en puissance par concentration, de Schneider sur son marché.
NB : Cette amende-record indique que contre le piratage, la Chine quitte sa pratique des amendes symboliques. Ce tournant judiciaire agira à double sens : le précédent devrait permettre de frapper lourdement les vrais pirates à l’avenir.
L’avenir reste ouvert : Schneider compte faire appel devant la haute cour du Zhejiang. Le déni de justice n’est pas obligatoire : à Pékin, un tiers des décisions du Bureau des Brevets ont été cassées.
Enfin, après l’affaire Cisco-Huawei, il n’a fallu que 4 ans à une firme locale, pour maîtriser cette technique occidentale de protection de son marché par voie judiciaire : la Chine apprend vite !
Sommaire N° 33