Petit Peuple : Xishuangbanna- un éléphant, ça trompe énormément

Pourquoi avoir publié dans la presse cette histoire d’éléphant? Réminiscence bouddhiste? Des grands Voyages à l’Ouest? L’éléphant  pèse lourd dans l’imaginaire du pays, qui s’y assimile volontiers. En 2006, le 1er ministre Wen Jiabao compara la Chine au pachyderme placide, à l’ombre duquel ses voisins de l’ASEAN, qu’il décrivait comme buffle, singe ou  héron, pouvaient cohabiter en paix!

Au Xishuangbanna (Yunnan),  l’éléphant d’Asie survit dans une vallée portant son nom, au coeur d’une jungle de palmiers, bananiers, passiflore et lianes. Dans son Eden éléphantesque, le malheur de « Grand-Frère », vint de la Birmanie voisine. En 2005, ce superbe étalon de trois ans faisait la convoitise des femelles de sa harde, mais aussi de braconniers séduits par sa valeur commerciale, en une région enclavée où tracteurs et camions sont rares.

Les malfrats avaient recouru au truc de la «balle enrobée de sucre» (糖衣炮弹, tang yi pao dan. Ayant suivi le mâle sur sa route, ils l’avaient nourri de bananes plombées à l’héroïne du triangle d’or. Un mois plus tard, à ce «régime», Grand-Frère était accro, tremblant de la trompe à la queue. Réduit à les suivre comme un caniche pour obtenir son héroïne, il conduisait docilement sa harde à cinq jours de marche, au marché de Dehong où -dit la presse- les bandits pensaient les revendre…

Le plan fut avorté par une –bizarre– délation. Les trafiquants furent jetés en prison. Mais quand les hommes en vert olive voulurent rendre les pachydermes à leur domaine, ils découvrirent leur problème : refusant la liberté, un Grand Frère, en manque revendiquait sa dose, et menaçait de rompre ses entraves, de tout briser sur son passage, à moins de retrouver  bien vite ses éléphants roses…

A en croire l’article bien pensant, le pouvoir prit alors (comme invariablement) la bonne décision : une action paternelle, énergique et généreuse. Replongé dans son trip par quelques seringues, Grand-Frère traversa la Chine en camion. 2000km plus à l’Est, il fut chargé sur un bac, jusqu’à l’île de Hainan, au Parc zoologique tropical.

Là, les vétérinaires se mirent en devoir de le sevrer à la méthadone, à 50mg matin et soir pour commencer – le quintuple de la dose humaine. Chaque jour, Grand-Frère fut baigné. A chaque crise, des régiments de gardes le massèrent pour le soulager. Il fallut un an pour l’affranchir de l’addiction : déclaré fin août bon pour le service, il s’apprête à entamer le grand retour vers son Xishuangbanna natal !

Le plus curieux dans cette histoire, réside dans ce qu’elle tait. Pourquoi, de la part des contrebandiers, avoir dirigé la harde vers un marché local très surveillé (proche de la frontière) et non vers la Birmanie, bien plus sure? Pourquoi ne pas l’avoir utilisée pour passer la drogue -filière immensément plus lucrative, insoupçonnable, et en tout cas très dure à arrêter?  Il faut savoir qu’aujourd’hui, la Chine a remplacé la Thaïlande, comme route n°1 de transit de la schnouffe birmane …

Cette bien jolie histoire n’est pas forcément à 100% véridique. Elle semble retouchée -comme ces photos maquillées par la propagande. Ce qu’on essaie de lui faire dire est en partie juste,  au demeurant : l’affection (très récente) du régime pour la nature ; et le fait que les ruses les plus fines ne tiennent pas toujours la route face à la police – même celle de la balle dragéifiée !

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
8 de Votes
Ecrire un commentaire