Un Rendez-vous, une tendance, donnent le ton de la semaine écoulée : tic-tac du XVII. Congrès d’octobre, qui s’annonce dès maintenant comme un tournant crucial !
Le Rendez-vous : les 18-19/01 se tint à Pékin le 3ème conclave du Parti, (après ceux de 1997 et 2002), qui sert à fixer les prochaines réformes financières. Sont dans la balance, le sauvetage de l’ABC (la banque de l’agriculture), l’avenir des banques politiques, et l’indépendance de Huijin, la holding qui contrôle les trois grandes banques : elle doit s’affirmer, et se séparer de la Banque centrale.
Question la plus secrète, celle du crédit : quel tour donner à l’économie, d’ici 6 mois ? Deux colosses s’affrontent. Pour le compte de lobbies comme la SASAC (State-Owned Assets Supervision and Administration Commission) ou les provinces, la NDRC (National Development and Reform Commission) plaide la relance. Wang Jian, patron de sa filiale d’études macroéconomiques, s’attend en 2007 à une chute de croissance à 8%, suite à la compression des marchés mondiaux («fin de cycle»). En face, Bo Xilai le ministre du commerce, soutenu par Hu Jintao et Wen Jiabao, milite pour la poursuite de l’austérité, afin d’éliminer les gaspilleurs d’énergie, éviter l’explosion de l’excédent commercial (de 177MM$ en 2006 à 300MM$ en 2007), et maintenir le cap vers une croissance plus durable et plus d’équité sociale…
La Tendance : le resserrement du contrôle de l’opinion. Démentant la libéralisation provisoirement octroyée au 1/01 à la presse étrangère, le régime ajoute aux nombreux règlements de censure déjà en place, un nouveau bâillon spécialisé—l’interdit national de fêter les anniversaires « sensibles ». Le pouvoir réagit en fait aux multiples commémorations qui se sont poursuivies tout au long de 2006, trentenaire de la mort de Mao, le tremblement de terre de Tangshan, la fin de la Révolution Culturelle…Le régime n’ayant jamais osé démaoïser son histoire, c’est pour la presse et pour une opinion assoiffée comme jamais de liberté de pensée, l’occasion d’une critique cinglante du système, que Pékin doit étouffer!
Cette semaine voit aussi la mort du reporter Lan Chengzhang, assassiné par 20 gangsters, sur contrat des patrons de la mine de Hunyuan (Shanxi). Sans un mot de pitié, la province dénonce le «faux journaliste». Pékin lance 70 policiers d’élite sur l’enquête.
Réforme financière et blocage de l’opinion se complètent, et s’expliquent par l’échec de la stratégie de protection de l’environnement (VdlC n°2, p2). Confronté à l’impossibilité de remplir son objectif de 15% d’énergie renouvelable d’ici 2020, le régime aurait décidé de donner toute priorité à ce dossier, et de l’ouvrir à l’étranger—lors du XVII. Congrès. Cet investissement courageux fera passer la Chine à l’état adulte -elle aura fait en 30 ans, le chemin suivi par l’Ouest en un siècle. Mais sa croissance régressera, réveillant les démons de l’instabilité sociale. C’est dans cette perspective que Hu et Wen serrent la vis. Et c’est ainsi que la répression a changé d’auteur : hier, le fait de nostalgiques conservateurs, aujourd’hui, l’outil des réformistes !
Sommaire N° 3