Entre les sommets de Davos à Dalian et de l’APEC – Coopération Economique de la zone Asie-Pacifique – à Sydney (6-7/09), tous les sujets (environnement, énergie, sécurité, commerce…) renvoient les uns aux autres, jeux de miroirs, qui exposent l’interdépendance croissante entre les pays, et ses complexités encore mal maîtrisées !
A Sydney, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, Hu Jintao causa la surprise en défendant victorieusement l’ONU (Organisation des Nations Unies) et son plan de Kyoto, contre la tentative de projet unilatéral de G.W. Bush. L’APEC discuta aussi, en termes peu concluants, de sécurité des produits (chinois, sous-entendu!), et de relance de la ronde de Doha, dont les chances de succès se précisent, à en croire Pascal Lamy, Secrétaire Général de l’OMC – l‘organisation mondiale du commerce.
Le plan d’action chinois « énergies renouvelables » fut dévoilé le 4/09 par Chen Deming, de la NDRC, – National Development and Reform Commission, « chef d’orchestre adjoint » de l’économie chinoise : 200MM² à dépenser d’ici 2020, dont 80% par les entreprises, incitées par des aides diverses.
De ces fonds, plus de la moitié iront aux grands barrages à l’Ouest. 30 GW de capacité iront à la biomasse, notamment au biofuel, dont la Chine veut produire d’ici là 50MTEP. En éoliennes, à 30GW d’ici 2020, l’objectif reste très en dessous du potentiel : Pékin s’est donné comme priorité de garder une politique tarifaire favorable au «made in China», sans s’inquiéter des pertes et retards que cette protection induira, en terme d’investissements et de technologies de pointe. Au nom des fleurons de l’industrie européenne, et du consommateur chinois, Jorg Wuttke, Président de la Chambre de commerce européenne s’en plaint (5/09), dénonçant une «distorsion aux promesses faites à l’OMC».
En marge de l’APEC, la CNPC, la compagnie nationale pétrolière, signe un lourd contrat gazier avec Woodside (4/09), dont Shell est actionnaire à 34%. Durant 20 ans, Shell fournira jusqu’à 3Mt /an de GNL du gisement de Gorgon, moyennant 49MM$.
Affaire très politique. CNPC renonce à 5 ans de fronde pour faire baisser les prix «aussie» : c’est que dès 2013, il aura besoin de ce gaz, pour ses terminaux GNL (gaz naturel liquéfié) en construction à Rudong (Jiangsu), Dalian (Liaoning) et Tangshan (Hebei). Mais avec ce contrats et d’autres, la Chine prouve à l’Australie, sans bavure, quel est son vrai client, allié et avenir. La Chine va prendre en Australie pétrole, bois, laine, minerai de fer, uranium —face à cela, Washington a peu à rétorquer.
Revenons à ce patriotisme énergétique chinois: grâce à lui, Sinopec, avec 106MM² de revenu en 2006, demeure la firme la plus riche du pays. Cette année, peu patriotes, elle et CNPC, qui se partagent le quasi-monopole du raffinage, ont préféré exporter, pour profiter des meilleurs prix étrangers. D’où un début de pénurie : au Fujian, au Heilongjiang, les chauffeurs font la queue aux pompes, et en août, 46.000t de carburant importé fut débarqué à Zhuhai et à Ningbo—c’était une 1ère…
C’est pourquoi étranglés par CNPC et Sinopec (qui réservent le stock à leurs propres stations, 49% du parc national), les pompistes indépendants se retirent et cèdent leurs stations aux étrangers: Total vient de racheter 20 stations au Liaoning. Tandis que Pékin envisage d’imposer aux raffineurs un quota pour les privés, de 5 à 10% de leur production -manière de rafistoler le marché, sans casser leur monopole !
Sommaire N° 29