A la loupe : Fusions & Acquisitions, le spectre protectionniste

D’un abord ingrat, la future loi des fusions & acquisitions (F&A) est pourtant primordiale pour les sociétés en Chine, et encadre une pratique qui progresse à pas de géants. Ce texte passait le 25/06, en 2de lecture au bureau de l’Assemblée nationale.

Ouvert depuis 2001, le rachat de firmes locales impose le feu vert public à tout projet de plus de 100M$. En août 2006, six ministères dont le Ministère du commerce, interdisaient les rachats de firmes actives dans la « sécurité nationale », certains « piliers (secteurs) stratégiques » et des « marques célèbres ». En décembre, le Conseil d’Etat précisait ces piliers : les industries militaires, d’énergie, des télécom (hardware), d’aviation et de navigation… La loi en gestation vise à calmer les angoisses des nationalistes (ou des concurrents), et à mettre de l’ordre.

Aujourd’hui encore, pourtant, les F&A restent un phénomène minime. En 2006, selon Sun Peng, directeur au ministère du commerce, l’étranger investissait en Chine 1,4MM$ « frais » (et 4,8MM$ au total) en F&A, 49% de plus qu’en 2005, mais juste 2% de son investissement global. De plus, 75% de ces rachats étaient des firmes privées : le secteur public apparaît encore hors de portée, trop protégé et à risque. Se pose en outre pour l’acteur extérieur, la difficulté d’évaluer les chances de relance de la firme rachetée, sa juste valeur et son marché potentiel : seuls 20% de ces rachats sont profitables, dit le cabinet Deloitte.

La loi semble restreindre encore plus la liberté de reprise de firmes locales, en imposant le feu vert pour tout rachat affectant la « sécurité économique nationale ». Mais Zhang Yansheng, de la NDRC, plaide subtilement en faveur des F&A, en demandant que soit « mieux défini » ce concept extensible à l’infini.

La loi réveille le vieux fantôme du protectionnisme, et d’une « Grande Muraille » contre l’investissement extérieur, prédite par l’économiste Andy Xie. Mais est-ce le cas ? Ou au contraire, la vieille garde des industries d’Etat et des idéologues ne donne-t-elle pas son chant du cygne, avant l’inévitable rajustement industriel aux normes internationales ? En sidérurgie par exemple, pour plus de 400Mt de production par an, la Chine compte 4000 firmes, contre une dizaine en Europe. Un coup de balai est inévitable, avec l’aide étrangère, pour le bien du secteur.

NB : avec cette loi, la Chine suit le modèle des Etats-Unis lesquels veillent au grain avec leur Comité des invests étrangers, voire celui de l’Inde, qui bride ses projets d’invests portuaires, des télécoms, d’infrastructures. En fin de compte, étrangers comme Chinois ont besoin de temps pour adapter la pratique des F&A sur le terrain chinois : c’est peut-être ce qu’apporte la loi !

 

 

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