Yahoo! pris en sandwich
En acceptant une collaboration sans limite avec la police chinoise de l’internet, Yahoo! a obtenu en 2005 le droit d’acquérir 40% d’Alibaba, 1er portail commercial chinois, pour 1MM$.
Privilège unique. Mais son image en a souffert : en Chine, il n’a que 9% du marché du moteur de recherche, contre 19% à Google et 58% à Baidu. A l’Ouest, son nom est devenu synonyme de groupe sans valeurs morales, et Shi Tao et Wang Xiaoning, activistes en prison suite à leur délation par Yahoo!, l’attaquent devant la justice américaine. Pour redresser son image, Yahoo! vient de critiquer la Chine pour sa répression sur la toile, tandis que des actionnaires, en assemblée générale, proposaient au groupe une charte des droits de l’homme, et un comité des sages pour l’appliquer. Mal leur en a pris : l’AG à rejeté à une immense majorité (85%), et – avertissement sans frais -, la censure chinoise condamna (7/06) son site Flickr, de partage de photos. La fièvre morale de Yahoo! n’a pas fait long feu, éteinte par la double lance d’incendie des actionnaires, et du régime toujours en alerte sur cette question du contrôle des canaux de l’opinion.
NB : son rival Google lui, décolle. Après s’être allié depuis janvier avec China Mobile, Telecom et Netcom, il s’engage avec Sina.com (11/06), 1er portail chinois, dans une coopération stratégique sur la recherche, la pub et les news en ligne. Google offre ses outils publicitaires avancés. L’accord vise sa part des 450M² de recettes publicitaires en ligne, attendues sur la toile chinoise en 2010.
l Danone–Wahaha, l’Etat se tait, le conflit s’enlise,
Juste démissionné (VdlC 22) de la direction des 39 JV Danone-Wahaha, Zong Qinghou, le flamboyant boss chinois continue d’attiser à son profit la fibre nationaliste: «les lettres de soutien du personnel» convergent vers la presse et sina.com.
Le 12/06 à Shanghai, la conférence de presse de Danone est saluée par une « manif spontanée » des employés. Le 13/06, Zong prétend récuser Emmanuel Faber comme nouveau PDG, et saisir la cour d’arbitrage de Hangzhou, fief de Wahaha, en contrepoint des actions de Danone à Stockholm (cour d’arbitrage) et à Los Angeles. Le 14, il revient à la charge, exigeant des excuses et l’«abrogation des conditions inégales» (référence aux « traités inégaux » imposés par l’Occident durant les guerres de l’opium). Zong sort de sa manche un argument : le contrat de 1996, sur la session de la marque Wahaha serait caduc, car jamais approuvé par le bureau des marques et brevets. Sur ce terrain de la presse et du mégaphone, Danone est en terrain inconfortable. Son titre a chuté de 11% depuis avril. Emmanuel Faber tend la main, mais en vain, prétendant à « une part équitable du gâteau et non le détruire ». Il commence aussi à réclamer « le soutien qui convient du gouvernement chinois ». Lequel garde le silence depuis le début de la crise, à commencer par la mairie de Hangzhou, détentrice de 19,1% des parts de Wahaha. NB : sa prudence peut se comprendre, car l’affaire dépasse de loin celle du sort, en Chine, du géant français du yoghourt : c’est le modèle de la JV en Chine qui est en cause, et de l’égalité de protection entre les intérêts étrangers et locaux : de la valeur d’un contrat. Question forte, alors que la Chine reçoit 60MM$/an d’Investissement directs étrangers!
Métaux : l’atterrissage, puis les contrats
Depuis 10 ans, Pékin monte ses bases métallurgiques, pour s’imposer comme producteur mondial, et garantir un approvisionnement à ses industries de transformation. Processus accompagné d’une subvention à l’export, et d’une exportation toujours plus forte, 132% de janvier à avril pour l’acier (21Mt). D’où le contrecoup protectionniste à l’Ouest : dénonçant une explosion de l’importation de Chine (58 fois en 4 ans), 6 producteurs américains de tube d’acier déposent (15/06) une demande jusqu’à 88% de rétorsion anti-dumping . Pour parer le coup, Pékin démantèle son soutien à l’exportation. Après un 1er train de mesures en juin, un autre est annoncé au 1er juillet, réduisant ou supprimant les subventions à l’export des métaux—de 13%, on passe à 5% pour la plupart des aciers.
Une fois ce toilettage réglementaire effectué, apparaissent sur le marché, des contrats, qui sans doute, n’attendaient que cela.
[1] 1er producteur local de titane, Baoji livrera en trois ans (2007-2009), à Boeing 4.300t de ce métal, pour 130M$ ;
[2] n°2 mondial de l’aluminium, le canadien Alcan s’offre à Tianjin pour 40M$, une usine de câbles en alliages pour l’industrie et l’immobilier.
[3] Chalco son rival, convertit ses profits en réserves de cuivre au Pérou, et paie 792M$ pour le gisement de Morococha, en rachetant Peru Copper, groupe de droit canadien.
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