Petit Peuple : A Changsha, Cao oublie l’objectif de sa vie!

Cao Xiangfan est de ces Chinois toujours battants, luttant comme il respire, au point d’en oublier l’objectif du combat. Natif d’une colline du Hunan, Il garde le souvenir d’une enfance démunie, entre 6 frères et soeurs, et de son paradis idéal inaccessible—étudier.

A 39 ans, Cao vient de passer son « gaokao » (bac) – pour la 13ème fois! Ce n’est pourtant pas faute de matière grise,d’assiduité, ni même de réussite !

Dès 1987, à 19 ans, pour la 1ère fois, il obtenait 397 points sur 600 : recalé ! En 1991 au 4ème essai, il fut admis, mais avec 467 points, score qui lui fermait les portes des grandes maisons. Il refusa : l’université serait prestigieuse, ou ne serait pas. 

En 1992 à 24 ans, vint le temps où il faut sauter du nid : Cao émigra à Canton, pour travailler, se marier. Ce qui ne l’empêcha pas, en 1998, de retenter son bachot à 30 ans.  Et là, bingo : Beida, l’université pékinoise de tous les rêves, le prenait, en politique. La suite peut choquer: tel Albert Camus au jury du « Nobel »,  Cao dit « Non » La spécialité ne lui convenait pas – peut-être à cause de la mauvaise image dont souffre la politique en ce pays.

Depuis, tous les ans, il bachote, se présente, espère, attend anxieusement les résultats, et dès le lendemain, rouvre ses manuels, ses cahiers connus par coeur…

Pour gagner sa vie, il fut maçon à Canton, garçon de restaurant, et bien d’autres. A Changsha, il est répétiteur pour fils de riches -il chauffe 50 potaches au bac, à 2000 ² /an… Même à Changsha, c’est une maigre récompense, pour un job acharné, qui le garde en tout temps hors du lit jusqu’à minuit garanti.

Après tant d’années, le mystère est que ses poulains sau-tent la barrière, et pas lui. Alors qu’au moins 2 fois, après avoir réussi, il a renâclé, fait marche arrière. N’est-ce pas là la trahison de sa promesse d’enfant de 脱离苦海 tuo li ku hai, «s’arracher à la mer amère » de sa misère montagnarde ?

Plutôt que de juger, tentons de comprendre. Ébloui par son demi-succès, cet homme humble peut s’interdire d’aller plus loin, craignant d’offenser le ciel. Avoir accédé à l’instruction lui suffit, même sans diplôme.Tout comme jouer au professeur, sans sortir de l’enfance… En bon chinois, Cao abhorre la césure, le changement d’état.

Peut-être Cao Xiangfan vit-il aussi le syndrome du prisonnier ayant purgé sa peine, effrayé par la liberté, qui frappe aux lourds vantaux de la prison pour qu’on l’y laisse retourner? En vie réelle, la taule jamais ne se rouvre. Mais ici, le geôlier n’est autre que lui-même, et Cao se signe donc tout seul, son nouveau billet d’écrou !

On peut enfin espérer que l’âge venant, Cao réalise que la roue tourne, même pour lui, et qu’après tout, même un gars comme lui a droit au succès. On peut espérer qu’il rompe enfin son incroyable sévérité contre lui-même et s’accepte comme bachelier – dès cette session-ci, peut-être ?

 

 

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