Petit Peuple : Nanning, Confucius réincarné en porc fumé!

A son Institut des minorités de Nanning- humble école juste promue au rang d’université après 50ans de loyaux services, Dong Yingchun, célibataire (30 ans) enseigne la littérature.

Est-ce ce décor sans lustre qui lui inspira sa manière si originale de ruer dans les brancards? Le fait qu’en ce Guangxi écrasé de soleil, jamais rien ne se passe ? Ou bien l’exil de son Jiangsu natal, terre bénite à 1000km plus au nord ? Un dernier détail en tout cas, joue forcément son rôle : Dong est membre de « troisseptembre », mini-Parti indépendant qui sert souvent de refuge aux intellectuels, idéalistes et  personnalités hors-norme.

Toujours est-il que Dong, depuis 2005, durant les congés d’hiver et d’été, offre en sa mansarde un cours privé de composition littéraire – initiation à la lecture critique, écriture du roman, poème. Un stage sans compromis : le séminaire dure un mois au terme duquel les étudiants doivent rendre un manuscrit d’au- moins 20.000 caractères, ou un article académique d’au-moins 7000. Et le jeune maître, fier des prouesses de ses poulains, s’empresse de les publier—à ses frais, si nécessaire !

Dans la cathédrale des lettres, le jeune mentor appartient à la chapelle des intégristes : il combat opiniâtrement l’usage de l’internet, et croit qu’au-delà des 2000 titres classiques de l’antiquité, point de salut ! Pas question non plus de se faire payer : haïssant comme Confucius l’esprit de lucre, il prend pour insulte toute tentative de le payer!

 Enfin, c’était ainsi, jusqu’à son dernier séminaire. Mais depuis, Dong a réalisé que son devoir moral était un tantinet plus compliqué : il lui fallait en même temps inculquer la valeur de l’enseignement, donc le faire payer, et maintenir l’égalité des chances d’accès à son cours, pour que tous y aient accès, indépendamment de leur classe sociale. C’est pourquoi après infinie réflexion, le maître a annoncé sa nouvelle règle du jeu inspirée d’une maxime prêtée au Grand Sage en personne: il prendrait comme disciple, « quiconque lui offrirait 10 morceaux de porc parfumé », en l’occurrence, une livre de porc mariné ou 5 kg de riz blanc.

Par cercles centrifuges, l’annonce excentrique fit le tour de Nanning puis celui de la Chine, semant dans les milieux lettrés comme dans ceux profanes, des opinions très divisées.

Beaucoup rient du naïf, avec sa prétention ridicule et inutile de « dessiner le tigre à l’image du chat » (照猫画虎 zhao mao hua hu), réincarner à lui tout seul le prince des philosophes chinois. Prétention d’autant plus idiote que Dong, économiquement, est à bout de souffle : ayant grillé 20.000 yuans (les deux tiers de ses faméliques émoluments annuels), entre les achats de livres pour la bibliothèque de sa petite académie, son mécénat de publication, et les cachets des orateurs -à 200¥ la palabre, tout de même !

 Mais d’autres sont touchés, déstabilisés même par l’ascétisme du personnage, sa quête du Graal, son intransigeance morale au service de sa société : le porc parfumé de Dong, fait à la Chine moderne l’effet d’une claque, à la joue de sa vénalité !

 

 

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