Le Vent de la Chine Numéro 19
Depuis Deng Xiaoping, la Chine dit qu’elle ne rattrapera le monde riche, en matière de droits de l’homme, éducation ou défense, qu’en 2050, un rendez-vous unique. De même, en démographie, en dépit du planning familial, elle n’espère voir sa population commencer à décroître qu’après cette échéance, une fois passé le baby-boom des 200M d’enfants de Mao.
Or, cette foi vient d’être dynamitée par Cl. Laurent, démographe néo-zélandais.Ce directeur de Global Demographics (HK) conteste cette idée reçue, avec des arguments neufs. Selon lui, la pente serait déjà engagée depuis longtemps. Les 17M/an d’enfants des années ’90, voire 25M (en estimant les naissances « au noir ») ne seraient plus que 12,8M. Sa «preuve» : l’enrôlement scolaire, très précis en Chine. En attribuant à la Chine un taux de scolarisation de 92%, Laurent constate que les 95M de poupons de moins de cinq ans de l’an 2000, sont aujourd’hui 64M. La tendance se maintiendra : l’Etat veut garder au moins jusqu’en 2010 la règle d’un enfant par foyer. Sous un tel cahier de charges, les naissances seront 10M en 2017, 6M en 2026. Dès 2017, pour 100 nouveaux nés sur terre, 33 seront indiens, 6 seront américains, et 5 seulement chinois !
Pour les villes, les conséquences prévisibles sont bouleversantes. D’ici 2026, les jeunes de moins de 24 ans auront baissé de moitié (à 120M). Les villes qui croissent encore, sous l’influx de l’exode rural, seront alors suréquipées : d’où la pertinence de l’approche chinoise, incompréhensible à l’esprit occidental, qui préfère réaliser aujourd’hui ses équipements vite, et dans le non-durable. Les campagnes, elles, seront minoritaires dès 2009. Déjà urbanisée à 61% dès 2005, Canton aura atteint 75% d’ici 2020.
Dès 2010, disent d’autres experts, la Chine aura épuisé sa réserve de main d’oeuvre à bas prix. Selon un rapport de la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) rédigé par Cai Fang, probable futur mininstre du travail, il n’y a plus que 52M de chômeurs ruraux, contre les 100-150M estimés hier. Ceci, pour l’avenir, réserve une mutation dans la pratique de la consommation, qui baissera en volume, mais augmentera en valeur et qualité. Dès maintenant, Coca Cola prépare la coupe de ses volumes d’embouteillage. La société vieillit aussi, et s’enrichit, se rapprochant du modèle occidental, bien plus vite que prévu.
Pour des dossiers tels le gaspillage d’énergie et la pollution, les implications de ce renversement ouvrent de nouvelles perspectives. Produisant moins et mieux, la Chine pourra choisir, imposer ses outils -c’est le cas, le 18/05, avec l’annonce de pénalité (taxes, crédits, droit foncier) aux mauvaises centrales électriques.
Seul souci grave, dit Laurent : la Chine devra gérer en 2026 une cohorte de 40M de gars sans filles, dû à l’avortement sélectif, mais aussi à l’hépatite endémique, qui disparaîtra avec la vaccination systématique.
Reste enfin le mystère: si Pékin est en train de gagner cette guerre, pourquoi le cache-t-elle ? Ignorance? Tradition millénaire de secret ? Pour commencer à communiquer, peut être cette culture devra-t-elle enfin « renverser Lin Piao et Confucius » – réviser son idéologie, et 2500 ans de pensée féodale !
Le sommet Africain de Pékin en novembre 2006, était fait pour frapper. Les 16-17/05, la Chine poursuit l’effort, en abritant à Shanghai le Conseil des gouverneurs de la Banque Africaine de Développement (BAD), instance régionale fondée en 1964, aujourd’ hui en quête de vocation mondiale. Ce rendez-vous fut un remake du faste pékinois, réunissant 2500 dignitaires des 77 pays, sous le slogan « Afrique-Asie, partenaires de développement ».
1er message : c’est suite aux efforts et au choix politique de la Chine, que l’Afrique a changé depuis 2002. Après 5 ans de croissance à 30%, le commerce bilatéral en 2006 a atteint 55MM$ (Wen Jiabao le 1er ministre, le prédit à 100MM$ en 2020), avec un léger excédent pour l’Afrique livrant son pétrole et ses métaux, la Chine réciproquant par ses vélos, textiles et TV pas chers. Fin 2006, la Chine y avait investi 11,7MM$, et 800 de ses companies, surtout publiques, y étaient présentes, contre 350 en 1999.
Mais justement, de moins en moins, l’argent fait tout : les Etats noirs savent que Pékin, même sincère, recherche avant tout les matières 1ères vitales à son industrie. Et que les industriels chinois sur leur sol, n’ont pas le coeur tendre en matière salariale ou de transfert de technologie, ni la main écologistes.
Aussi Pékin renforce sa campagne de séduction, multiplie les promesses de prêts au continent (d’ici 2009 quelques 20MM$ en crédits d’infrastructures) et d’épongeage de dettes (doublement de l’effort, à 2,7MM$). Tout en contre-attaquant sur l’affaire du Darfour : son commerce avec le Soudan serait « le chemin le plus court pour terminer cette guerre », démentant le lobby en faveur d’un embargo. Il offre à la Zambie une usine d’explosifs, vitale pour son industrie minière (et ses exports vers la Chine ! ). Le 14/05, une fusée Longue-Marche-3 plaçait sur orbite géostationnaire, Nigcomsat-1, satellite de télécoms de 5 tonnes, à 311M$, qui générera 150.000 emplois au Nigeria, sans compter les autres dans tous les pays balayés par ses services.
Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale (BPdC) prédit le renforcement de l’action de plusieurs banques chinoises telle l’Eximbank (déjà 6MM$ de prêts en Afrique), ou la CDB (China construction Bank) qui crée un Fonds sino-africain de développement (1MM$, puis 5MM$ en 2009). 16.000 experts de santé sont en instance de départ pour l’Afrique. Énorme effort donc, et la Chine se profile en « dernière chance de l’Afrique », acteur essentiel des 5,5% de croissance du continent l’an dernier. Président de la Banque africaine de développment, le Rwandais Donald Kaberuka en rendait compte, mais assortissait sa louange d’une demande discrète : que ces crédits chinois passent davantage par sa banque, afin de renforcer l’autonomie bancaire de l’Afrique, et pas seulement le pouvoir chinois sur elle !
DHL-NBA — le grand jeu préolympique chinois
La Télévision sportive, et la popularité du basket-ball au Céleste Empire, ont inspiré à DHL cette excellente affaire.
Le n°1 mondial des livraisons express et de la logistique a signé avec la National Basket-ball Association – NBA (14/05) un accord pour 3 ans au moins, traduisant une synergie entre le ballon rond lancé dans son panier, et le colis livré chez l’usager. DHL devient livreur officiel de la NBA pour toute l’Asie : il lui acheminera les planchers et poteaux des matchs professionnels, voire les articles vendus à ses fans par la NBA, en 20.000 points de Chine. Il va aussi sponsoriser les événements sino-asiatiques de la NBA à la TV, sur internet et dans la presse. Il s’ agit de shows sportifs d’envergure tels la remise au champion de la ligue annuelle, du trophée Larry O’Brien cet été à Shanghai.
En octobre, à Shanghai puis Macao, viendra la NBA China Games 2007, tournée triangulaire entre Cleveland Cavaliers, Orlando Magic et China National. DHL s’assure ainsi sa présence sur ces transmission en direct sur CCTV 5, Great Sports Channel (SMG), et les reprises sur les chaînes de 200 pays du monde… Gageons que d’ici 2008, inspirés par la proximité des Jeux Olympiques, on verra bien d’autres initiatives du sport-bizz, telle l’académie du football annoncée par David Beckham, l’ex-capitaine du Onze d’Angleterre, qui vient en Chine en juillet avec son nouveau club, Los Angeles Galaxy, et son sponsor Anschutz Entertainment. En route pour faire fructifier, en Chine à son tour, ce nouveau marché du rêve.
Ecole de Venture capital pour Tsinghua
Alliant cours magistral et travaux pratiques, l’université Tsing-hua (Pékin) fonde son institut d’investissements par capitaux privés.
Autrement dit, son cabinet de capital à risque, sur un marché chi-nois pour l’instant aux mains des anglo-saxons, qui maîtrisent le mieux ce savoir-faire. Or, ce marché explose. En 2005, 46 firmes publiques étaient rachetées pour 3MM$. En 2006, elles avaient doublé, à 96 firmes, pour 7,6MM$. L’Institut est une JV entre l’Ecole de management et d’économie, et le Centre national de recherche financière, deux entités de Tsinghua. Kirkland & Ellis, cabinet newyorkais, fournira le conseil juridique et une partie des fonds, tout en se chargeant d’en récolter davantage— « quelques M$ » sont visés. L’originalité de la démarche, consistera à mener de front, business et formation. Il s’agira de mettre en résonance la firme à financer ou à reprendre et les instances publiques concernées, les fonds d’investissements, banques, cabinets d’audit et d’avocats, tout en préparant les futurs experts de ce métier de niche.
NB : depuis 2001, Tsinghua compte une autre firme de venture capital, aux 25M$ investis dans deux fonds internationaux : sans prétention de formation, et limitée au champ de l’énergie propre.
Dow : carbochimie — loin de la coupe aux lèvres
La Chine compte 13% du charbon mondial (118MMt de réserves estimées) et veut l’utiliser de manière moins polluante : Dow Chemical, a-t-il le droit de rester hors du jeu?
Semblant penser que non, l’acteur chimique mondial signe(14/05) un accord avec Shenhua, n°1 de la houille chinoise, pour étudier en deux ans l’installation d’un complexe carbochimique au Shaanxi. Un investissement en MM$, destiné à convertir houille et sel locaux en méthanol, éthylène et propylène, puis en produits plastiques, solvants, vinyles, acryliques etc. L’objectif est de réduire la dépendance au pétrole importé, mais aussi d’inventer une valorisation nouvelle de ce charbon chinois, tout en retenant à la base les gaz à effets de serre. On verra d’ici 2009, si Dow estime le projet faisable.
NB : Shaanxi et Ningxia abritent d’autres projets -tous au stade de l’étude- par Shenhua, Sasol (Afrique du Sud) ou Shell, de liquéfaction du charbon pour un total en 10aines de MM$. La rentabilité viendrait au-delà d’un pétrole à 45$ le baril. Pour Shenhua, le risque est limité : ces projets stratégiques lui étant garantis par l’Etat. Mais les partenaires prennent le temps de voir venir.
En 1979, l’Etat assumait 54% des frais de santé des citoyens. En 2006, il ne fournissait plus que 17% – dont 1/5 seulement aux campagnes, qui représentent plus de la moitié de la population !
C’était le fruit du choix de désengagement de Deng Xiaoping 20 ans plus tôt, afin d’assainir les finances. Il en résulte aujourd’hui une médecine à deux vitesses, et deux tares : un prix usuraire, des prestations inadaptées. Forcé de «se nourrir sur la bête», l’hôpital augmente son prix en abusant des médicaments, (50% de la facture), et de services inutiles mais coûteux, telle la césarienne (50% des accouchements) ou le goutte-à-goutte.
Résultat, l’OMS classe la Chine 188ème sur 191, en matière d’accès aux soins. Une réformette en cours, faite moins pour amender le système, que pour en avouer l’échec : des policiers se déploient dans les hôpitaux pour prévenir les violences, 5500 agressions sur le personnel médical en 2006, et 26M$ de dégâts.
D’autres mesures ont été prises.
[1] Depuis avril, le privé, même étranger peut posséder jusqu’à 70% d’un hôpital. Des groupes tels Hua Xia ou AFH (Hong Kong) visent le rachat de 10aines d’hôpitaux – pour offrir des soins de nouveaux riches -telle la chirurgie esthétique.
[2] Au 15/05, les prix de 182 formules occidentales (et 1200 médicaments) baissent de 19%, voire 62%. Mais les labos esquivent la directive en renommant leurs produits… Cette coupe est la 5ème en deux ans, sans baisse significative du coût de la santé: en 2006, la consultation coûtait 128,7¥, traduisant une hausse de 40% en 6 ans, et la nuitée 4668¥ (+43.86%). …
[3] Pékin tente d’enrayer la pratique des laboratoires, qui font des « dons » aux hôpitaux afin de les inciter à prescrire leurs produits…
Sur cet outil obsolète, de tels remèdes ne peuvent obtenir qu’un léger gain de temps : l’Etat médite une refonte complète du système. Fait rare, le Conseil d’Etat a commandité 7 scénarii, à trois universités, un centre de recherche, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la Banque Mondiale, et McKinsey. Ces remèdes se cristalliseraient en deux modèles, basés sur une injection massive de crédits frais: l’un, du Ministère de la santé, prétend réhabiliter le service public, et assainir et multiplier le réseau existant. L’autre, soutenu du Ministère du travail et la sécurité sociale, veulent confier actes médicaux et subventions «au meilleur sur le marché» – public, ou privé—cette voie est d’ores et déjà perçue comme impraticable dans les campagnes reculées !
Enfin, cette réforme reçoit un atout majeur : le nouveau ministre Chen Zhu, 54 ans, formé en France (Paris VII, hôpital St Louis), brillant patron du programme « génome humain » à Shanghai. Un homme donc bien armé pour guérir ce système, en connaissance de ce qui se pratique ailleurs. Tandis qu’au plan politique, sa nomination marque un pas vers la séparation du Parti et de l’Etat !
L’agence fantôme d’investissements s’exerce
N°1 mondial de la gestion de fonds alternatif et du rachat d’af-faires sur crédit hypothécaire (« leverage buy out »), la banque américaine Blackstone, vient de se voir confier 3 des 1300MM$ de devises publiques (18/05), prêtées par Central Huijin, le bras d’investissement de la Banque centrale (BPdC).
Objectif : les investir à l’étranger. C’est exactement la mission de l’agence nationale de placement de devises annoncée en mars, sous la direction de Lou Jiwei (cf VdlC n°9) et qui se fait attendre. China business News, auteur du « scoop », précise qu’il s’agirait de la première opération de cette agence—les fonds lui seraient restitués lors de son lancement en décembre. Voici donc une agence en cours de création, qui mani-feste déjà son existence. A ce que l’on croit savoir, l’agence recevrait pour commencer 200MM$, qu’elle devra placer hors du pays. Or, la manière dont travaillera Blackstone sera pour elle une précieuse orientation, en positions géographiques, secteurs, devises et conditions d’acquisition. On assiste ainsi à une répéti-tion générale en miniature, de que l’agence commencera à faire sous quelques mois !
Leader futur sur le marché de la télésurveillance
Inexistant il y a 20 ans, ce marché est né en même temps que les fortunes privées en Chine, et directement d’elles : celui de la sécurité et de la surveillance, qui vaudra 24,5MM² dès 2009.
Atomisé entre 9.000 PME, il se concentre rapidement, avec pour roi CSST (Shenzhen), qui se constitue à travers le pays un réseau intégré (caméras, accès sécurisés, alarme, transmission).
En septembre 2006, pour 12M², elle s’offrait 4 distributeurs (Cheng Feng/Shanghai, Jian Golden An An Ke, Jiangxi Golden, Guang-dian). En avril, elle rachetait pour 25M² les caméras numériques de Hongtianzhi (Shenzhen). Ce mois-ci, pour 40M², elle va dé-vorer HighEasy (Wuhan), expert en transmission vidéo /audio, les caméras à 360° de Mingking (Changzhou/Jiangsu) et les lo-giciels de Tsingvision (Hangzhou/Zhejiang). Suivront les systè–mes d’alarme de Longhorn (Shenzhen) à 7,25M², et Daming (Pékin), firme d’intégration de systèmes sécuritaires, aborbée en en faisant une JV moyennant 2,2M². Bilan de ces achats : CSST voit au 1er trimestre son revenu bondir de 164%, à 28M². Mais sa dette s’élevait à 49,6M² contre 3,1M², fin 2006!
NB : ce secteur est favorisé par 2 règlements du Conseil d’Etat (n°458) et du ministère de l’intérieur (« Plan 3111 »), imposant la sécurité électronique au sein des collectivités et lieux publics.
La femme chinoise, en liberté surveillée
N°2 à la Fédération des femmes, Huang Qingyi dresse le 15/05 un bilan rose de « la moitié du Ciel ». En matière politique, le progrès est évident, avec neuf cadres d’Etat (au rang de vice 1er Ministre ou Conseiller d’Etat), contre cinq en 2001, menées par Wu Yi, du Conseil d’Etat et du Bureau politique (l’antichambre du pouvoir) – mais personne au Comité Permanent, le saint des saints.
Parmi ces leaders, on compte la francophone He Luli, vice-Pdte du Parlement (ANP). 241 autres ont rang de ministres, 40% du lot.
Mais Mme Zhao Yiezhu, de l’université de Xiamen, vient nuancer le tableau : aucune de ces femmes de tête n’a de pouvoir décisionnel – elles font encore dans la réflexion, et la figuration. La faute revient à Confucius, dont les maximes conservatrices conservent aux hommes les prérogatives « du dehors », tout en confinant la femme à la maison « le dedans ». Pour Zhao, la Chinoise ne peut espérer son avenir que d’elle-même, en faisant ses preuves—en prenant confiance. Au moins, elle a vite avancé sur le marché du travail, occupant 45% des places, et 341M de jobs soit 24M de plus qu’en 2000… De même, le tandem Hu Jintao—Wen Jiabao aux affaires depuis 2003, a opéré un tournant en finançant l’école rurale pour les plus pauvres, à savoir les filles : désormais, 98% des enfants suivent leurs 9 ans d’école. Enfin, ne pas se leurrer : la Chinoise paie sa promotion sociale en stress, face à une sour-de résistance du mari, du patron, du cadre : 150.000 se tuent par an, et la ville de Bǎisè (Guangxi), en avril, força 61 avortements dans les dernières semaines de grossesse, à seule fin de se mettre en règle avec le planning familial—sur le dos des femmes!
Révisionnisme patriotique à Hong-Kong
Quelle mouche a piqué Ma Lik, leader du DAB (Democratic Alliance for Betterment), le parti de Pékin et des affaires à Hong Kong?
Le 15/05 face à la presse, le leader ex-plose contre les 6,7M d’habitants du Rocher, « inaptes au suffrage universel avant 2022 », du fait de leur foi en un «massacre» sur la place Tian An Men la nuit du 3/06/89. Fait dont Ma Lik nie la réalité. La foucade de Ma Lik, qui se trouve être aussi député à l’ANP, provoqua une polémique d’une force oubliée depuis des lustres, l’édile se faisant accuser de révisionnisme. Au moins, Ma Lik eut-il la sagesse le 17/05, de critiquer sa propre sortie comme «frivole et irréfléchie ». Ce qui n’empêche les 127 «mères de Tian An Men», en deuil de leur fils depuis cette nuit-là, de réclamer sa démission. Au-delà de l’aspect anecdotique, l’événement explicite dans la RAS (Région administrative spéciale), la disponibilité de personnages comme Ma Lik ou Rita Fan (Présidente du Legco, le Parlement local), à miser leur carrière contre leur opinion publique et pour le compte du pouvoir central (Pékin). Plus en profondeur, l’incident révèle la blessure toujours à vif, suite à la répression violente ayant eu lieu 18 ans en arrière. La blessure demeure sans doute, prête à ressurgir, dans tout le monde chinois.
Crainte aux abords du Yangtze
Course contre la montre le long du Yangtze! Les autorités météorologiques d’Etat craignent des inondations majeures cet été.
Or, les inspecteurs de prévention des inondations annoncent (13/05) que des berges du fleuve menacent de s’écrouler. Luo Huilin, secrétaire général du gouvernement de Jingzhou (Hubei), parle d’écroulements en augmentation rapide le long du Jingjiang. Dernier en date, celui d’une section de 30m de long et 8m de large à Shishou (22/03). Au Hubei, 21 digues seraient vulnérables, ce qui incite la province à allouer 3,9M$ pour prévenir des écroulements. Dans toute la vallée, les efforts s’intensifient, renforçant 2,259 kilomètres de rives, draguant 5,093 kilomètres de lit de rivière et améliorant 2,833 réservoirs. Dix provinces et municipalités le long du Yangtze ont tracé des plans anti-inondation.
Le Guizhou dépensera 3,9M$ pour réparer 100 réservoirs. Véritable branle-bas de combat, le souvenir des terribles inondations de l’été 1998 ayant ravagé les abords du Yangtze (2,9M de personnes évacuées, 3000 morts) restant dans les esprits.
Depuis 2006, la bourse de Shanghai grimpe sa montagne, infatigable. La Chine entière y joue, s’y met. Depuis janvier 2007, l’indice composite a gagné 51%. Le 9/05, la corbeille franchissait la barre des 4000 points. Il était bien oublié, le minikrach qui lui avait fait perdre 9% le 27/02 (à 2772 points) !
Face au risque de rechute, les autorités jettent de l’eau sur la machine chauffée à blanc. Le 11/05, la CSRC (China Securities Regulatory Commission) annonçait de nouvelles enquêtes contre la fraude. Elle épinglait Hangxiao, groupe qui venait de faire gonfler son titre de 400% en agitant un très suspect contrat de fournitures pour 4,5MM$ en Angola -18 fois les revenus de Hangxiao en 2006, et cinq fois l’export de Chine en Angola. Hélas pour la crédibilité de la CSRC, l’amende à la firme se montait à 52.000$, et 15 à 30.000$ aux cinq principaux cadres indélicats : tapette sur les doigts !
Le 11/05 encore, la CBRC (China Banking Regulatory Commission) autorise les banques à investir dans des titres de l’étranger, en fonds d’invests. Quoique bridé de plusieurs manières (pas plus de 50% du fonds en telles valeurs, pas plus de 5% par position), ce système, dit QDII (Qualified Foreign Institutional Investors), ouvre un produit boursier concurrent à la bourse locale, tout en permettant à une fraction des 1200MM$ de réserves en devises de ressortir.
Mais effet « inattendu » : l’annonce dopa le stock exchange de Hong Kong (+2,5%) et la place de Shanghai (+0,61%), boostées par les valeurs mobilières et bancaires… Puis le 15/05, Shanghai erratique se replia de -3.64% (3ème plus grande baisse depuis janvier), entraînant Shenzhen (-2,64%) et HK (-0,53%). Sauf la banque BoComm (Bank of Communications), qui prenait 71% pour son 1er jour de cotation… Puis encore, comme pour donner la « preuve par neuf » de sa faim incoercible, dès le 16/05, Shanghai se ressaisissait (+2,23%) porté des groupes alimentaires et de construction mécanique. Désormais «maté», Hong Kong suivait (+0,33%).
Enfin, le 18/5 après fermeture des guichets, la Chine élargit à 0,5%/jour la bande de flottement du yuan, porte à 11,5% le taux des réserves bancaires, et à 6,57% le taux de dépôt à un an : quelques gouttes d’eau supplémentaires !
Jusqu’où va-t-on ainsi? Malgré Li Ka-shing qui crie au loup, parlant de valorisation insoutenable et de casse pour Hong Kong, la corrida boursière peut durer, vu la masse d’épargne attendant son tour. Le seul vrai outil de l’Etat pour enrayer la cavalcade fantastique, est d’emprunter en ¥ pour acheter lui-même massivement—ce dont pour l’instant, il se garde : cette ruée financière, à condition de tenir, accélère l’épongeage des mauvaises dettes des banques, tout en finançant l’expansion planétaire de ses groupes industriels. Il aurait tort de s’en priver!
A Xi’an (Shaanxi), en sa boutique, avec sa loupe et sa calotte, Jiang Zhaolin était maître d’un royaume chatoyant de timbres de tous lieux et de tous temps. Prétexte à de géniales séances quotidiennes de thé avec ses compères, et débats sur l’univers, tel que décrit par ses petits carrés de papier festonnés et tamponnés.
Ce bonheur simple dura jusqu’en juin 2002. Zhaolin se mit à ressentir fatigue et envie de sucré: le diabète cognait à sa porte, épuisant ses forces et ses reins. Quand, six mois plus tard, il sentit sa vue le quitter, ce fut le signal qu’il était temps, à 61 ans, d’afficher à son enseigne, «commerce à remettre».
La survie matérielle du philatéliste ne posait aucun problème – il avait sa retraite, et son échoppe ouverte en 1997, était sans but lucratif. Jiang restait donc avec un seul souci, mais de taille: comment retrouver les 18 clients à demeure? Car sa réputation d’esthète, expert et amoureux des timbres, s’étendait au-delà de la ville, et ils se comptaient par 100aines au fil de sa carrière, les amateurs qui lui avaient laissé leurs trésors aux fins de vente ou d’échange. En valeur, il en restait pour 500² – un pactole, en Chine du centre. Et si cette culture confucéenne conserve encore une règle de fer, c’est bien celle de payer ses dettes, avant le grand départ !
C’est alors qu’à Xi’an, émue par l’angoisse du vieil artiste, se leva une vague inouïe de solidarité.Contribuèrent les philatélistes, sigillographes et numismates, retraités voire receleurs, prostituées et pickpockets: tout ce que la rue comptait de faune, honorable ou non, se trouva unie dans le défi d’honneur de pépé-Jiang. Dès la mi 2005, après deux ans, elle avait localisé tous les clients, sauf un, Wang Xiang, le plus coriace.
Le pensionné avait gardé en tête son état-civil -étudiant en économie, son visage carré, sa coupe en brosse, son rocailleux accent de Fufeng, un bled perdu dans le Shaanxi, où il devait travailler pour une minoterie.
Fufeng se trouvait aussi être le bercail de Xi Xuliang, autre fada de timbres : rien que pour alpaguer le prêteur égaré, Xi y retourna souvent et la passa au peigne fin, sans oublier la plan-que la plus plausible —le marché aux timbres. Durant deux ans, il fit chou blanc. Jusqu’au 1/05 où le temps d’une réplique, finit la quête de papy Jiang et de tous ses alliés : « j’ai ton oiseau », lui dit un intermédiaire – « il repasse après-demain » !
Onze jours plus tard, derrière un bol de thé dans la mansarde de Jiang Zhaolin, après avoir récupéré ses 30 planches de valeur, Wang s’expliqua: son diplôme engrangé, il était retourné au pays, changeant au passage de téléphone portable -devenant injoignable. Ayant convolé, s’étant empressé de faire un héritier à sa dulcinée, ses timbres en dépôt lui étaient complètement sortis de la tête !
Face à lui sur sa couche, loin de lui en vouloir des cinq ans de tracas endurés, Jiang rayonnait: « le Dieu du ciel l’observait », savait-il, (苍天有眼 cang tian you yan), et l’avait distingué, en l’aidant à faire son devoir !
21-24 mai, Canton : CHINAPLAS (plastique et caoutchouc)
22-27 mai, Beijing : ECO Summit (Ecologie)
24-29 mai, Beijing : CHITEC – High-Tech Expo
24-26 mai Shanghai : Cityscape (immobilier)