Editorial : L’écologie chinoise : un blocage salvateur ?

La SEPA, l’agence chinoise de la protection de l’environnement vit les mois les plus tendus de son existence. A l’heure où s’amoncellent les nuages jaunes (400.000 morts par an du fait de la pollution de l’air) et où les regards du monde se tournent vers elle, la Chine s’avère paralysée !

En mars, la SEPA aurait dû publier le « PIB vert », initiative donnant une vision plus exacte de la croissance en en ôtant les coûts de la pollution. La publication fut ajournée par la NDRC, sa maison-mère. Le 24/04, le Conseil d’Etat devait présenter son plan contre le réchauffement global : on s’attendait à ce qu’il renforce les efforts des usines en rendement énergétique, crée des plans de prévention des cataclysmes, mais refuse tout engagement national de réduction d’émission de gaz à effet de serre, type « Kyoto ». Or, ce plan vient lui aussi d’être repoussé sine die.

Mais le 22/04, apparaît  son rapport sur les risques du changement climatique pour le pays. Le ton est clairement alarmiste. D’ici 2100, les 35.000 glaciers chinois fondront « aux 2/3 » – un autre rapport de l’ONU, publié en même temps, parle d’une fonte à 80%. Après 2050, croit ce texte, les récoltes baisseront de 37%, et  une bande côtière de la surface du Portugal, berceau de 60%  de la population et de l’essentiel de sa richesse disparaîtra sous 1m de remontée des mers. Il conclut donc à des «effets négatifs sévères » à attendre pour «  l’environnement de survie ».

Et pourtant, malgré ces menaces, le rapport rejette toute suggestion d’effort de baisse d’émission de CO². Un certain Qin Dahe, membre de la China Meteorological Administration (CMA) et apparent «  pape » de cette théorie, croit que « la croissance est la priorité urgente. C’est seulement après, pas à pas, que nous réglerons notre problème de climat ». Les choses sont claires: l’écologie est un luxe que la Chine ne peut accepter, que s’il est payé par l’étranger « bourgeois », et compatible avec une forte croissance. Face à cette exigence, les 2MM$ /an comptent pour peu de chose, que la Chine pourrait recevoir des pays signataires du protocole de Kyoto (selon la BAD), en leur vendant des droits d’émission. A ce rythme, il ne faudra à la Chine que 25 ans pour dépasser en émissions, la totalité des pays industrialisés. D’ici là, la température aura déjà monté de 1,1° à 2,1°-avec toutes les conséquences prévisibles pour ce pays, qui ne les prend pas encore en compte…

C’est à ce moment sombre, quand on ne l’attend plus, que réapparaît l’espoir —pas par hasard. Le 25/04, le 1er ministre Wen Jiabao crée un Bureau national de l’économie d’énergie dirigé par lui-même, et annonce un règlement de l’« information environnementale ouverte », imposant aux firmes la publication de leur pollution. Il rappelle l’objectif interne de réduction du taux d’émissions par rapport au PIB, de 20% d’ici 2010, et adjure « régions et ministères de réaliser l’importance de cette promesse solennelle au peuple ». Pan Yue lui, n°2 de la SEPA, va plus loin et veut mobiliser l’action citoyenne du public, « 1ère partie prenante de l’environnement ».

Ces remous contradictoires évoquent, au sommet, un furieux débat entre «anciens», adeptes aveugles de la discipline de Parti et de la puissance technocratique, et «modernes» éduqués, à la pensée plus autonome, déterminés à éviter une catastrophe à leurs petits enfants dans 50 ans. Ainsi derrière le rideau, se joue aujourd’hui même la bataille de la prise de conscience et de la responsabilité : lutte contre la montre, gagnable, entre autres, si les vieux rejoignent assez vite leurs ancêtres !

 

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