Phénomène rare, et observé de près, en Chine : le déroulement, à travers 6 villes, du 1er tour des élections présidentielles françaises.
Pas moins de 6386 Français résidents vinrent déposer leur voix ce dimanche 22/04, entre Wuhan, Chengdu, Shanghai, Canton, Hong Kong et Pékin, sous les yeux lointains des médias et de l’Etat chinois, avides d’apprendre comment on vote au «pays de la loi» (法 国 Faguo)… L’Etat avait 2 bonnes raisons de s’y intéresser. Stratégiquement, tout ce qui touche à la France importe à Pékin, en tant qu’axe européen et allié ponctuel. Et la Chine avait été citée dans la campagne par deux candidats, Fr. Bayrou et S. Royal, qui avaient proposé de boycotter les Jeux Olympiques de Pékin, pour cause de livraisons d’armes au Soudan…
Après dépouillement, les résultats permirent un rare décryptage de l’opinion des Français, variable selon chaque centre de vote. La faveur à N. Sarkozy (UMP, droite) fut bien plus forte qu’en France avec ses 31% (41% à Pékin, 52% à Shanghai et 62% à Hong Kong). Selon le Quai d’Orsay, la France de Chine octroya 52,7% à N. Sarkozy, et 23,9% au centriste Fr. Bayrou. S’il ne tenait qu’à la Chine, c’est ce dernier qui eût été le rival de N. Sarkozy au 2d tour, et non la candidate socialiste qui en Chine, ne reçut que 17,3%. Ce raz-de-marée sarkoziste reflète aussi la chute de JM. Le Pen (Front National) avec 2%, les 8 autres « petits » candidats se partageant 4%. Révélation d’une détermination de cette population intellectuelle et pragmatique, de voter « utile ». Enfin, à l’instar de l’Hexagone, le record de participation fut battu partout, avec à Pékin, 72%, contre 42% en 2002.
NB : lors du scrutin français en Chine, les caméras durent rester à la porte, afin de préserver l’anonymat de certains ressortissants—la Chine ne reconnaissant pas la double nationalité. En effet un Ouighour sino-Canadien vient d’être condamné en Chine sans que sa nation d’accueil soit admise à l’assister (VdlC n°16).
La Chine avait une autre raison d’observer ce scrutin sur son sol : toujours plus de voix en son sein, réclament la démocratisation du système…
Or, un précédent fait fureur : le choix du Vietnam, en avril 2006 lors de son Xième Congrès, d’apporter un peu de transparence, en publiant à l’avance le rapport politique, et en tenant de vraies élections pour le 1er Secrétaire, le Politbureau… Pékin l’avait mal pris. En août 2006, le Président Hu aurait accusé le Parti-frère de « trahison des principes socialistes ».
Ce qui n’empêche bien des cadres à tous niveaux de l’appareil, de prendre en référence le précédent vietnamien pour contester la rigidité du leur système et en dénoncer le prix à payer par la nation, en terme d’immobilisme décisionnel et de transparence !
Sommaire N° 17