Petit Peuple : A Kunshan, un voyage à l’Ouest, nouvelle manière

Du 28 mars au 3 avril, à Kunshan (Jiangsu), dix patrons shanghaïens se soumirent à un grand oral inoubliable, sous la férule de l’Institut de psychologie de l’université Fudan.

Durant 7 jours, tous reclus en cellule nue de 5m², ils durent vivre seuls, sans TV, portable ni magazine ou livre.

Leurs 2 repas/jour étaient végétariens et sans alcool. Le lever était à 6 heures, le coucher à 20 h. Le seul être avec qui ils purent piper mot fut leur tuteur, une fois par heures et demie, pour lui donner leur réponse à trois questions simples posées la fois d’avant, concernant leurs proches, aux différents âges de leur vie, père, mère, épouse, enfants, amis, voisins, employés. Qu’avaient-ils fait pour eux? Qu’avaient-ils fait pour lui ? Que leur devaient-ils ? En 8 jours, ils durent ainsi faire 63 confessions, que le tuteur conclut toujours de ce mot digne du Sphinx : « merci d’avoir confié votre secret». L’exercice, on l’a deviné, venait du vipassana indien, discipline millénaire de méditation, destinée à faire retrouver par le « silence noble », le sens de la vie.

Le résultat dépassa toutes les espérances. Patron d’une JV allemande, Liu dut constater après le stage, que son usine s’était fort bien passée de lui. Il en tira les conséquences, et jeta aux orties l’anxieuse dictature de ses ordres ébouriffés.

Habitué des restaurants, Song, le nabab de l’immobilier ressortit allégé de 2kg et de son cholestérol, et garda en bouche, le goût du riz blanc.

La vie fut plus dure pour le professeur Su : il ne dut qu’à son exceptionnelle fierté, de ne pas tout planter là pour aller pérorer, faire au moins un jogging conjuratoire –  activités bannies. Sans pouvoir réfléchir, ni dormir, toujours rebelle, au bord des larmes, il ne trouva un début de paix qu’au 3ème jour, avant de retrouver au 4ème le fil d’Ariane vers lui-même, sa vie antérieure, son école primaire, ses souvenirs d’enfance. Jusqu’ alors, il trouvait sa femme chichiteuse et trop protectrice. Mais découvrant chaque matin les vêtements par elle soigneusement empaquetés, il redécouvrit à quel point elle l’aimait et lui donnait, sans espérer en retour : c’était le视而不见 (shi er bu jian), ces beautés des jours que l’on voit passer, sans jamais les remarquer.

Le stage les réveillait à ces richesses de l’âme, venant relayer le matérialisme futile de Shanghai et du monde.

Après 55 ans de socialisme, on peut s’émerveiller de la facilité chinoise à retourner à cette sagesse védique, oubliant cette longue parenthèse de répression de toute vie spirituelle. Il est vrai que cette tradition chinoise du Voyage à l’Ouest vers la philosophie indienne ne date pas d’ hier : vers l’an -500, Confucius lui-même affirmait « se regarder et replier en lui-même tous les jours » (吾日三省吾身 wu ri san xing wu shen).

Cette capacité innée à retrouver de tels gestes, cette ascèse sortie toute fraîche des profondeurs le prouvent, s’il en était besoin : Mao, Deng, tous les ténors marxistes, dans la tombe ou non, sont bien enterrés ! 

 

 

 

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