Mise à feu le 14/04 au Centre Spatial de Xichang (Sichuan), une fusée Longue Marche-3A a mis sur orbite géostationnaire (21.500km) un satellite très politique: le 5ème du réseau Compass, concurrent potentiel au GPS américain, au Galileo européen et au Glonass russe.
Projet de la corporation militaire CASTC (Académie chinoise de Technologie spatiale), avec à terme 5 satellites géostationnaires et 30 sur orbite médiane, il offrirait (dès l’été 2008 sous forme limitée, à en croire ses promoteurs) des services de positionnement précis à 10m près, à 20cm/s pour la vitesse, et de 50ns en délai. Comme ses concurrents, il servirait toute navigation, la météo, l’agriculture, la prospection, les télécoms, la sécurité civile—et militaire…
Belle ambition, superbe projet, mais grave risque pour le consortium Galileo, dont les membres ont bien du mal à allonger les 3,7MM² nécessaires au déploiement des satellites, dans le cadre d’une consession à 20 ans. Or, la Chine est investisseur de Galileo depuis 2003, avec 5M², qui doivent devenir 200M² ! La suite du film est glauque, vu les intérêts stratégiques autant que commerciaux : les Etats-Unis auraient interdit à Galileo d’utiliser les mêmes fréquences que leur GPS, ce qui leur permet de le brouiller. Et la Chine serait bannie du conseil de direction de Galileo, et de l’usage du service encrypté (PRS), stratégique pour les gouvernements. Dans ces conditions, le projet Compass pourrait permettre à la Chine de forcer les européens à réviser leur copie, conformément à ses exigences.
Enjeu d’ici 2015 : 15MM² de services par an.
Blason technologique, Compass est une manière parmi d’autres d’afficher les hautes ambitions spatiales chinoises. Fin janvier, elle détruisait un satellite déclassé, démontrant une capacité de détruire les satellites à basse altitude des systèmes de navigation concurrents. En février, elle lançait son 4ème satellite du réseau Compass. Fin mars, elle présentait son futur robot explorateur lunaire, puis début avril, une mission conjointe avec la Russie vers Mars. Le 11/04, elle lançait « Haiyang-1B », 2e satellite d’observation des mers, y compris de prospection offshore.
Mais ce dynamisme, ces invests énormes et ce volontarisme inquiètent USA, Europe et Russie, peu sûrs des intentions réelles chinoises, au plan militaire : en fin de compte, Compass pourrait être le coup de bluff, et le « bélier » par lequel la Chine chercherait à enfoncer la porte du club spatial mondial : obtenir des puissances spatiales les coopérations et technologies qui manquent, et sa part du marché !
Sommaire N° 16