Petit Peuple : A Jianhu, une cleptomane survivaliste

Tout avait pourtant bien démarré pour Nan Siyi, nouvelle bourgeoise de 38 ans. Après une enfance studieuse dans le Hubei, elle avait eu son bac, sa place en fac, un beau mariage et une nouvelle vie au Jiangsu, la province la plus glamour de cette terre de Chine.

A Jianhu (Jiangsu), sans se fatiguer, 10 ans leur avaient suffi pour créer leur station-service, leur maison de 3 étages et 3 rutilantes limousines dans la cour. En 2005, elle s’engageait sur la route de la vraie fortune : l’immobilier. Et pour réunir les fonds de son 1er chantier, Nan comptait sur Monsieur Su, Singapourien richissime. Lequel hélas, se laissait courtiser.

En mars  2006 enfin, elle réussit à l’inviter à dîner. Zhu son factotum suggéra un menu de terroir simple et de bon goût, escargots de rivière, soupe de poulet de ferme. Le succès fut total : le gros plein de soupe se dit prêt à payer – la prochaine fois, pourvu que le prochain rata soit encore meilleur…

Nan l’ignorait, mais elle mettait le doigt dans un engre-nage diabolique. Zhu allait lui suggérer que le meilleur des poulets, c’était celui que le fer-mier ne vendait pas : celui qu’il faudrait voler. Une fois dans le poulailler, l’acte de tordre le cou à la volaille, l’emporter en cou-rant, éveillerait en elle la joie sauvage, compulsive du cleptomane.

La patronne et trois employés partirent en expéditions multiples. Ils en revinrent pliés de rire, chargés de quatre poulets, puis deux autres, puis huit, plus un porcelet, une oie, un agneau, un canard, un chiot !

C’était du délire : ils auraient dû savoir que la roue de la justice meulait déjà (lentement) le grain de leur vie. Leur précaution de changer de berline à chaque virée,leur servirait d’autant moins, qu’ils retourneraient toujours au même endroit, pour se faire prendre « comme des bleus », qu’ils étaient…

Au tribunal deux mois plus tard, ils répondirent de 15 cambriolages, pour un butin de 4600¥.

Face au prétoire, Nan avoua s’être laissée aller à ces délits, moitié par obsession de séduire son bailleur de fonds, moitié par goût du danger. Choqué de ce délit de snob, sans l’excuse de la misère, le juge lui colla le tarif normal : un an ferme, et trois à six mois aux acolytes : adieu, chantier, canard, cochon, couvée !  

En cellule, la capitaliste naïve pleure sur sa fortune«détruite en une nuit » – 毁于一旦, hui yu yi dan. Elle réfléchit aussi sur le sens de ce trimestre d’égarement qui a ruiné sa vie. Elle devine qu’en son coeur, une autre femme, inconnue, a pris les commandes. Mais pourquoi? Pour la maintenir sur le qui-vive, en lutte pour exister, comme ses aïeux depuis l’aube des temps. Ou pour assurer l’avenir de la lignée et ne pas s’endormir au luxe fallacieux des temps présents.

A ce double de Nan, cette «mister Hyde» en jupons, importait moins le luxe, que la 活力huoli, l’énergie vitale. Depuis lors, quand elle ne séduit pas le geôlier, Nan endurcit ses muscles, lit, s’instruit, téléphone et se bat pour garder son mari, ses biens, pour rebondir : un an, c’est vite passé !

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
8 de Votes
Ecrire un commentaire