En une attaque frontale le 09/04, Zong Qinghou, président de Wahaha a dévoilé la tentative de Danone, son partenaire français, de reprendre le contrôle de filiales extérieures à leur JV.
Quittant sur Internet une tradition de secret d’affaires, Zong ose qualifier le lien entre les deux maisons, de « traités inégaux », allusion désagréable à la guerre de l’opium. Pour Wahaha, il revendique le droit, cédé pour 50 ans à leur JV, d’utiliser librement sa marque. Puis sous 48heures, suivant un scénario très au point, viennent le soutenir ses distributeurs, des officiels (au nom des «20.000 employés»), et la presse !
En 1996, lorsque Danone et Peregrine (banque d’affaires entretemps disparue dans la crise asiatique de 1997) acquièrent à Hangzhou 51% d’une JV avec Wahaha, ce dernier n’est qu’une PME, qui accepte avec plaisir la cession de sa marque (dont le nom, populaire, signifie « bébé qui rit »), et de ne pas concurrencer les produits de la JV. Suite à quoi, grâce à la technologie Danone, la JV passe au 1er rang pour l’eau en bouteille, au n°2 du biscuit, et devient un leader en yaourt et jus de fruit.Conformément à la loi, le groupe de Zong a, et garde jalousement, l’exclusivité de la distribution.
Le dérapage arrive « après 2000 » : violant l’accord, le groupe Wahaha crée des filiales qui vont produire et distribuer pour son propre compte les mêmes produits élaborés par Danone -même apparence, même marque. La fraude prend de l’ampleur : en 2006, ces « vrai-faux Wahaha » lui rapportent 100M². Réalisant à l’automne 2006 l’ampleur du dérapage, Danone veut négocier une reprise « à l’amiable » des branches illégales : 387M² pour 51%. Zong accepte d’abord, et signe en décembre un accord en ce sens. Mais en janvier, il a créé une nouvelle JV sino-chinoise de distribution. Pour justifier sa rupture de contrat, Zong reproche à Danone d’avoir multiplié les participations avec des firmes telles Mengniu ou Huiyuan, n°1 du lait et du jus de fruit, alors que lui-même voit sa route barrée vers ce type d’alliances.
Dans la tourmente, Danone veut privilégier l’accommodement à la justice… Mais Zong, par ses formules populistes, cherche à gagner l’opinion et établir, au minimum, son droit à pirater son ex-maison-mère, au maximum, à emporter avec lui le meilleur de la JV aux 880M² d’actifs. L’Etat, selon son espoir, faisant jouer le « fait accompli » et la passivité, au nom de la stabilité, et « société harmonieuse ». Face à l’attaque, Danone réagissait 48h (11/04) pour menacer Wahaha Group d’une plainte en justice, sauf accord sous 30 jours.
Des négociations vont donc reprendre « à trois », sous l’arbitrage de l’Etat. Le pire n’est pas inéluctable : la Chine tient à son image, ne peut toujours pas se passer de la présence étrangère, témoin à Tokyo, Wen Jiabao (cf p.2) qui invite les industriels nippons à venir investir. Témoin aussi le feu vert donné à SEB par Pékin pour un rachat majoritaire de Supor (le n°1 chinois de la casserole), malgré une plainte d’un concurrent local, s’estimant lésé. Le 11/04, le Ministère du commerce faisait un premier point. Il « encourage les invests étrangers et protègera les droits des firmes chinoises dans les disputes surgissant d’acquisitions étrangères ». Il gérera le conflit Danone-Wahaha, « selon les règles strictes ». Autrement dit, tout est ouvert !
Sommaire N° 15