La réunion annuelle de l’IDB (Inter-American Development Bank) à Guatemala City (20/03) fut l’occasion d’une leçon géostratégique. Depuis 14 ans les Etats-Unis, qui détiennent 30% du capital et des voix, s’opposaient catégoriquement à la demande d’adhésion de la Chine à ce très politique organe financier de l’Amérique Latine.
Or cette fois, c’est « oui » : les palabres pour une participation infime chinoise (de 0,04% !) à l’IDB peuvent s’ouvrir ! La banque est un enjeu majeur pour Pékin : ce continent dispose de fortes res-sources en hydrocarbures, gaz, cuivre, fer ou argent. Il est aussi une porte d’entrée sur le marché US, et le sanctuaire des derniers soutiens diplomatiques de Taiwan. La position chinoise sera renforcée par l’accord de libre-échange négocié avec le Pérou (après celui passé avec le Chili). Sa place de 48ème membre de l’IDB consentira à Pékin trois avantages : l’accès aux appels d’offres régionaux, un pouvoir d’investissement au service de ses objectifs diplomatiques, et un coup de fouet aux échanges, 40MM$ en 2006, en forte progression (mais seulement un 10ème de ceux des USA avec la région) !
La volte-face des États-unis vient en partie d’H. Paulson, le Secrétaire d’État au Trésor depuis fin 2006, notoirement plus conciliant que son prédécesseur J. Snow. Elle doit surtout à la tonitruante irruption en décembre du projet concurrent de Banco del Sur, une idée du lider vénézuélien H. Chavez qui affranchirait le Cône méridional d’une sujétion aux US (le siège de l’IDB est à Washington!) Or, la Banco del Sur déjà soutenue par l’Argentine, l’Équateur, la Bolivie, voire le Brésil, devrait naître en juin avec 7MM$ de capital, concurrente très plausible à l’IDB qui prête 6MM$/an. En vieux conflit avec les USA, Le Venezuela est l’allié stratégique de Pékin (11MM$ d’accords commerciaux!), même si des frictions apparaissent récemment. Les USA ne pouvaient donc pas prendre le risque de laisser la Chine voter pour la banque d’en face. Ils baissent les bras, sacrifiant Taiwan.
Pour Taipei, c’est une bataille perdue. Observatrice à l’IDB depuis 1991, elle avait accordé à la banque 15M$ en mars 2006, pour abreuver les 14 États d’Amérique centrale qui la soutiennent. Trop peu, face à l’artillerie lourde de Pékin. 200MM$ de réserves en devises qu’elle s’apprête à investir par le biais de sa nouvelle agence commerciale, et qui intéressent particulièrement les pays latinos venus à Guatemala City, Argentine en tête.
Sommaire N° 12