Vendredi 16 mars, à Pékin, la session 2007 de l’ANP -Parlement – s’est conclue sous les flonflons militaires, sans se départir de son ambiance pesante de secrets : intrigues des lobbies et notables provinciaux, renouvellement de tous les postes de commande pour le XVIIème Congrès d’octobre… Pendant ce temps, un conflit social dans le Guangdong et une émeute sanglante à Yongzhou (Hunan, cf p.2) rappelaient la tension sociale extrême.
Plus de 4500 propositions furent déposées sur tous les sujets. Cocardier, Jiang Hongbin, édile du Heilongjiang, a demandé de chasser de la Cité interdite un café Starbucks, estimant dégradante sa présence en ce lieu de conscience nationale. Frivole, un certain Zhao Lirong a souhaité instituer une « Fête des hommes » le 8 août, pendant de la journée des femmes du 8 mars. Tandis que Xu Zhihong, Président de l’université Beida, défendait une improbable halte au festin des ailerons de requins, et que Jiang Deming du Jiangsu, suggérait une taxe canine (déjà appliquée dans les grandes villes), qui financerait l’éradication de la rage en même temps que celle d’excréments de chien sur les trottoirs.
Plus sérieusement, deux lois phares furent votées, sur la taxe des entreprises et la propriété privée, à une quasi-unanimité : 2826 pour, 37 voix contre, pour cette dernière.
La loi de propriété avait pourtant été très contestée dans le passé, éconduite sept fois au bureau de l’ANP avant d’atteindre le consensus. Elle protège les patrimoines émergés depuis 20 ans dans des conditions souvent obscures, mais non les terres des paysans. Elle réveille donc l’amertume de cette frange, toujours puissante, de Chinois ayant mal vécu le passage de l’égalitarisme aux « fortunes pour quelques uns » !
Cette session a aussi connu des velléités de grogne. Fan Jiheng, du Shanxi a dénoncé la présence de « faux députés », incapables d’assumer leur fonction faute de bagage juridique, et a réclamé que l’initiative des lois revienne à l’ANP, jusqu’alors confinée dans le rôle de tampon des textes concoctés par les ministères. De même, l’opinion dans les media s’indigne, aux photos de ces travées d’élus endormis, digérant en session.
On a même vu, en groupe de travail «développement rural» de la CCPCC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois), un élu lire au 1er ministre Wen Jiabao cette satire sur la corruption en province :
«Village piège canton, canton piège district,
Et ainsi de suite jusqu’au Conseil d’Etat.
Conseil émet un ordre, qui redescend la pyramide :
Chaque niveau lit l’ordre tour à tour,
Et puis s’en va au restaurant,
Laissant sur son bureau, le papier ignoré ! »*
La contestation était en fait bénigne : l’élu chevrotait son poème en sanglotant, et Wen Jiabao en personne avait invité l’audacieux à monter au perchoir, donnant ainsi à la réunion un vernis gentillet de discussion en famille !
* 村骗乡、乡骗县、一直骗到国务院。
国务院下文件,一层一层往下念,
念完文件进饭店,文件根本不兑现 !
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