« Comment une telle émeute a-t-elle pu éclater à Yongzhou ?» demandait stupéfait dans les couloirs du Parlement, Yu Youjun, gouverneur du Shanxi (13/03) : du 9 au 12 mars, un incident dans un village du Hunan a dégénéré en bataille rangée entre 20.000 villageois et 1500 policiers anti-émeutes, durant 4 jours.
Tout a débuté sur une de ces taxes illégales, dont Pékin tente depuis trois ans d’affranchir le monde rural. Mairie, police et Anda, compagnie de bus privatisée depuis 2005, semblent avoir conspiré pour tripler de 5 à 14¥, le prix d’un trajet au départ de Zhushan. Les usagers ont refusé : la hausse trans-gressait une directive officielle du ministère des transports. Ce fut l’épreuve de force : le 9/03, un étudiant qui refusait de payer, fut frappé par le chauffeur, irritant des centaines de villageois à qui le patron d’Anda opposa plus de 100 gros bras (venus en 4 bus), sous les regards de la police. Le 11/03, il y avait déjà une vingtaine de blessés légers, un lycéen mort à l’hôpital (décès nié par les autorités). Dès lors, le district s’est embrasé, la foule s’en prenant aux symboles des apparatchiks et mafieux locaux. Mairie, poste de police furent lapidés, 12 voitures brûlées. Il fallut des milliers d’hommes de la police armée (PAP) du Guangdong pour rétablir le calme : répression vive mais sans armes à feu ni, semble-t-il, d’autre mort. En même temps, d’urgence, Pékin faisait fermer Anda, rétablir l’ancien tarif (sur un service de bus publics), perquisitionner et interroger pour appréhender des dizaines de présumés « casseurs ».
Notre lecture : Au Sichuan et au Henan, l’an passé, des émeutes similaires sont restées dans les mémoires. Le schéma : un incident insignifiant au départ, mal géré par des cadres indisciplinés, embrase tout un district. Mais l’affaire de Yongzhou tombe en pleine session de l’ANP. Au Parlement et dans la presse mondiale, on constate qu’un ordre central de bloquer les prix du bus, a été ignoré. L’incident met en difficulté Zhou Qiang, le gouverneur du Hunan juste nommé, voire Hu Jintao, son protecteur. Le problème n’est pas local, mais national. L’absence de contre-pouvoirs empêche Pékin de se faire obéir, et cela se voit. A quelques mois du XVIIème Congrès, cet incident va renforcer la critique interne, au sommet (par les partisans de Jiang Zemin, Zeng Qinghong) et exacerber les réflexes autoritaires des pouvoirs locaux.
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