En Chine, le mariage est une affaire chère, engageant la face de toute la famille et surtout, pour plusieurs années, ses économies. Remise dans l’enveloppe rouge traditionnelle, la contribution des dizaines d’invités ne suffit jamais à payer les frais des six banquets de 10 à 15 plats chacun, dévorés en trois jours. Ni les notes de coiffure, escarpins, robes de mariée, ni celle de l’équipe TV qui shoote le CD-souvenir.
Hormis cette ruine, la noce chinoise se fait plus épuisante à mesure qu’elle intervient plus tard dans la vie : elle devient technique et formelle. Il faut recevoir les cadeaux, écarter les pique- assiettes, organiser des farces aux mariés (ni trop équivoques, ni trop bateau), trouver un garçon d’honneur qui fasse le maître de cérémonie. Aussi partout dans le pays, des PME prospèrent, pour prendre en charge tous ces fardeaux : c’est dans ce milieu que Xiaoxi, 25 ans, connut la – plaisante – mésaventure de sa vie !
A Haikou, dans l’île tropicale de Hainan, Xiaoxi était l’une des 10 employées de Xiyangyang, une de ces PME. Deux soirs par semaine, elle relayait l’épouse dans la tâche ingrate de passer de table en table, un verre en main, faire boire les invités. Jamais elle ne titubait : cette force face à l’alcool était son point d’honneur, et la raison 1ère de son recrutement.
Cette géniale carrière fut sans faute, jusqu’au 14/03. Pour un mariage sous le signe de la St Valentin, Xiaoxi vit paraître Liu Changlin, son compagnon depuis des années, ce soir-là le marié du jour, au bras d’une autre !
Professionnelle jusqu’au bout, Xiaoxi serra les lèvres, retint ses larmes,s’abstint de tout scandale – quoique depuis des lunes, le traître lui ait fait miroiter la bague au doigt. Mais le chagrin lui fit oublier sa tempérance : elle fit boire la compagnie, et but elle-même ! Or, quand tous, elle comprise, furent pleins comme des huîtres, Changlin fit en balbutiant cet aveu inouï : il y avait maldonne sur la mariée.Celle en blanc n’était qu’un leurre, et celle qu’il épousait était Xiaoxi ! Toute la noce était de mèche : la buveuse avait été «serrée dans le tambour»
( 蒙在鼓里 meng zai gu li), roulée dans la farine !
La reine du Ganbei en fut quitte pour passer en vitesse une robe à traîne, et tenter tant bien que mal de décuver. Un peu honteuse quand même d’avoir défailli à sa réputation de buveuse impeccable – le jour de ses noces, en plus !
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