Née du fond des âges (époque Han -206 à +226 JC), la pratique survit en Chine du Nord et Centre, indifférente au règne de l’ordinateur ou du téléphone portable. Mais hélas, impossible de dépeindre les sentiments de ses acteurs transis : ils sont défunts!
En tradition chinoise, la vie ne saurait être complète sans mariage. Aussi, sur les étendues arides de la plaine mongole, sur le plateau de Loess aux profondes vallées ocres, dans les villages isolés-misérables, les familles ayant perdu un fils vont voir l’entremetteur, et prennent date: la prochaine fille à disparaître, ils la lui donneront en épouse, en une noce posthume dite minghun, 冥婚. L’orchestre est réuni, avec banquet, rubans rouges. Tout le village trinque, joue, suite à quoi les cercueils sont (ré-) enterrés. Les parents de la mariée voient leur peine allégée par une dot de 10.000¥, qui est pour eux quatre ans de revenus.
Parfois, le minghun gagne la ville: on le vit à Shijiazhuang (Hebei) en 1997, quand une lycéenne mit fin à ses jours, suite à son échec au bac: trois mois après, les parents s’entendaient avec ceux d’un accidenté de 18 ans, pour les unir dans l’au-delà.
Janvier 2005 vit même un cas extrême, de minghun mixte, morte et vivant. Ye Sherong, célèbre chanteur hongkongais, était au désespoir, après le trépas inopiné de Xu Yunshan, son amante depuis 3 ans. Dans le tourbillon de ses tournées et shows TV, Ye n’avait jamais pris le temps de l’épouser. Saisi d’un violent remords, il lui passa la bague au doigt blafard, convaincu de la laisser, 死而无憾(si er wu han) « libre de tout regret d’outre-tombe » !
Et le Parti, face au minghun ? En principe hostile à la superstition, il tente mollement de l’éradiquer : sans conviction ni succès. Car personne ne la dénonce, ni ne s’en plaint. Et surtout, si le minghun semble folie ou enfantillage, il ne fait de tort à personne. A défaut d’apporter plénitude et paix aux disparus, il calme la souffrance de ceux qui leur survivent !
Sommaire N° 34