Etudiante de 19 ans à Jinan (Shandong), Jing poursuit son père d’une hargne que même un pire ennemi ne déploierait pas – pour le forcer à retourner vers sa mère. Jusqu’en 2003, le couple tenait. Mais à peine la fille en université, les vieilles déchi rures ressortirent. De disputes quotidiennes en abandon du foyer, en six mois, le couple avait vécu. On parlait d’une amante – «2ème nourrice», en chinois (er nai, 二奶).
C’est alors que Jing partit en guerre, pour sauver coûte que coûte son jardin d’Eden. Rien ne l’arrêta. En trois ans, elle a dénoncé papa pas moins de 4 fois : à la mairie où il travaille, puis au bureau provincial de la police interne du Parti, puis au bureau national – deux fois.
Pour conspuer le «débauché», elle a aussi ouvert son site internet, visité par 200.000 personnes. Jing vise froidement la radiation du Parti pour son père, puis la perte de son gagne pain, pour le contraindre au retour à la maison – là, elle et maman l’entoureront d’amour et le «sauveront»!
L’avis du VdlC : Jing vit dans un univers cloitré dont l’objectif est le bonheur universel, et le moyen l’harmonie, plus que la liberté. Un univers pyramidal qui compte à la base l’individu subordonné à la famille, puis à l’Etat, lui-même se pliant aux préceptes de l’ordre confucéen.
C’est ainsi que cette représentante d’une jeunesse moderne, rêve à tout sauf à la démocratie occidentale, et se retrouve en profond accord avec le régime dans sa gestion paternaliste des citoyens, tous membres de la grande famille chinoise.
Non sans paradoxe, la génération précédente, celle du père et du Parti se montre plus soucieuse des besoins affectifs individuels, et tente autant qu’elle peut de rester en dehors, au nom du proverbe : 清官难断家务事 qing guan nan duan jia wu shi, « même intègre, le juge n’entre pas dans les affaires de famille ».
Sommaire N° 28