Petit Peuple : Nanchang : vie et mort d’amours enfantines

C’eût été une belle histoire, si le ciel ne s’en était mêlé. Depuis 2004 à Nanchang (Jiangxi), Tujin, à 72 ans, vivait mal le deuil de son épouse, après 50 ans. Ses enfants eurent une idée classique, surtout dans le Sud : sous prétexte de l’aider aux tâches de ménage, lui donner une « a-yi » pour lui changer les idées. Ils la choisirent au village natal.

Mais quand il vit Hehua, ce fut le miracle. Ils pâlirent, rougirent, restèrent cois : jeunes, ils avaient connu leur 1er amour, avant que ne les sépare le service militaire. Signe du ciel, elle aussi était veuve ! Toutefois ils avaient tous deux assez vécu pour deviner les embûches invisibles : impassible, elle prit son service de cuisinière, à 350¥/mois!

Tout alla bien jusqu’à janvier 2005, quand Tujin annonça leur mariage. Ses enfants objectèrent : il ne fallait pas confondre torchons villageois et serviettes citadines. Tujin et Hehua passèrent outre, se marièrent et pour échapper au clan, déménagèrent dans sa seconde maisonnette qu’il possédait. Toutefois, Hehua restait blessée, s’étant découverte acceptée à la vaisselle, mais non dans la famille. L’orage éclata en avril le jour du Qingming (lumière pure), l’équivalent de notre Toussaint : Tujin demanda à Hehua d’acheter un paquet de «monnaie de l’enfer» à brûler sur la tombe de sa défunte. Elle refusa et comme il insistait, elle retourna chez elle, honorer la mémoire de son propre mari. De retour un mois plus tard, la blessure restait béante et les mots aigres fusaient. Alors, c’est Tujin qui fit sa valise, Hehua refusant de quitter la maison… Le juge vient d’accorder à Tujin le divorce, en offrant à Hehua la maison et un petit chèque de 4000¥.

Elle gagne peu de chose, au vu de ce que tous deux perdent, le rêve du vieux cheval qui reconnaît l’étape (老马恋栈 lao ma lian zhan), les retrouvailles de l’amour d’enfance dans toute sa force et pureté. Il n’avait aucune chance, ayant trouvé contre lui les morts et les enfants, ligués. Il leur fallait rappeler aux vieillards ce pauvre truisme : avant d’être à soi-même, en Chine, on est au clan !

 

Spectacle bizarre à Changchun (Jilin) le 20/6 : 2 heures durant, 20 vieillards des deux sexes, attelés à des cordes, dos cassés, perclus de rhumatismes, traînèrent dans la ville une des voitures les plus chères au monde.

Tout avait débuté en ’05. L’ex-employeur d’Etat, la CCMIF(matériel météorologiques) était cédée au privé qui devait verser 120.000² de primes de départ (1000 mises à pied) et 50.000 de retraites- avant mai 2006. En garantie aux vieux, une Mercedes 600 était hypothéquée. On devine la suite : à vingt -dix aux cordages, dix en soutien, de leurs égrotantes forces morales et physiques, les vieux tractèrent l’automobile jusqu’au centre de contrôle technique chargé de l’expertiser et de l’évaluer.

Incrédules, les mécanos s’enquirent de la raison pour laquelle ces ancêtres s’étaient imposés 2h de calvaire par 30°C, au lieu de s’offrir une course luxueuse et plaisante de 5 minutes. Ingénument, ils répliquèrent que le réservoir était vide, et qu’ils n’avaient pas le permis.

Nonobstant sa douce simplicité, le groupe démontra qu’il n’était pas si bête, mais pratiquait une forme efficace de résistance.

Ils avaient le bonheur de lutter collectivement pour leur mieux-être, comme en leur jeunesse : en révolution, la pratique est aussi importante que le but !

Sur un dazibao à la fenêtre, ils révélaient qu’il s’agissait d’une saisie pour dette : tout en rondeur, ils dénonçaient l’égoïsme des planqués du Parti qui un an plus tôt, roulaient carrosse, sans se soucier des misères des prolos à leur charge. Et nul cadre n’avait à objecter : ils étaient inoffensifs, et dans leur droit !

Enfin, proposant à gauche et à droite leur question aux gens, s’ils voulaient acheter la Mercedes, leurs chances d’aboutir étaient infinitésimales, mais un autre résultat était recherché : apitoyer les foules, faire venir les journalistes – comme il advint !

 

 

 

 

 

 

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