Chimiste chez Gehua à Wuhan (Hubei), Zhang Wushun vient d’avoir la peur de sa vie.
Comme les copains du labo, pour agrémenter sa vie casanière, il s’accordait l’humble plaisir d’un billet chaque semaine à la loterie des sports. Le 17/3, pour une raison privée mais sans la moindre importance, il fut 15 min. en retard: détail infime, mais qui ruina quelques jours sa chère routine. Hilares, les collègues l’acclamèrent : Zhang avait la meilleure excuse au monde pour ce contretemps, ayant dû passer par la loterie toucher les 10.000² de son lot! C’était un canular.
Mais avant qu’il ait pu démentir, voilà que la rumeur fumait à travers Wuhan, par SMS et appels sur les portables. Trois heures après, son magot s’était mué en 1M¥. La procession débuta, composée des jolies filles cherchant maris, des importuns, des solliciteurs, du club de foot, du cousin (pour s’acheter un appart), en passant par l’ami oublié (pour monter sa start-up, rendement garanti), etc.etc. Même sa belle-mère ne craignit point de taxer le gendre, prétendant l’associer à la rénovation de la maison -qui par hasard, débuta le jour même. A la meute, il jura ses grands dieux être victime d’une conspiration. Tous souriaient, l’air entendu, n’en croyaient mot, et puis offensés par l’ingrat personnage, lui tournaient les talons pour ne plus jamais lui adresser la parole… C’était l’illustration de l’adage, « trois hommes font courir un tigre dans la rue » : une fois reprise par trois voix, la rumeur la plus folle s’incrustait!
Finalement, sous la pression, Zhang eut un éclat de génie. Sur son portable, comme message d’attente, il enregistra un refrain qui clamait son innocence. Le truc marcha par effet de bande -à la chinoise. Personne n’y crut, mais l’idée frappa par son innovation, et atterrit au journal local, qui publia toute l’affaire, ridiculisant les colporteurs du ragot—qui se turent enfin. Cette fois, ça y était, le tigre était mort. Mais comme passe-temps hebdomadaire, Zhang, vacciné, a lâché la loterie!
Sommaire N° 13