A 28 ans, Lan Hudie l’ingénieur a réinventé son pays, recolorant en tons chauds la terre blafarde de l’enfance. Trois ans plus tôt, il n’en était pas là : avec Waiwang sa femme, il avait sollicité le visa pour la terre promise, le Canada. Puis la roue tourna.
A Pékin, il fut recruté par une boite étrangère, qui lui révéla des trésors : la passion au travail, la responsabilité partagée, la créativité. Bien payé, il était maître d’une liberté inespérée, qui rachetait, et au delà les désarrois d’antan. Or, voilà qu’en janvier 2006, « le saule qu’ils avaient planté puis oublié, leur rappela son existence en fleurissant». Une lettre arriva : le visa était accordé! Hudie avait oublié cette erreur de jeunesse : en riant, il proposa à son épouse de jeter le visa au panier: «tu n’y penses pas !», s’écria-t-elle, révélant ainsi que depuis des lunes, ils ne vivaient plus sur la même planète.
Comme tout le clan, Waiwang prenait pour péché mortel de rester au pays, si la chance de partir se présentait. Avec la pollution, la langue de bois, et les autres dangers locaux, ils n’avaient pas le droit de risquer l’avenir de leur fille!
La mort dans l’âme, Hudie dut démissionner de sa boite de rêve, quitter le paradis qu’il s’était créé. Faute d’oser révéler que dans celui où on l’entraînait, même les ingénieurs faisaient la plonge dans les fast-food. Victimes d’un rêve mort, ils faisaient comme leurs parents, 30 ans plus tôt : ils sacrifiaient leurs vies pour celles de leurs enfants. La seule différence, étant qu’eux, avaient quelque chose à perdre !
Sommaire N° 12