Argent : Framedia-Focus / le rachat-roulette russe

A101 ans s’est éteint (17/10) Ba Jin, dernier des géants littéraires (après Lu Xun, Mao Dun et Laoshi), qui changèrent la pensée de leur siècle par leur oeuvre visionnaire, et introduisirent en Chine les ondes de l’âme moderne.

Au plan du style, ce sichuanais né Li Yaotang fut le 1er à quitter le chinois classique pour la langue parlée.

Au plan des idées, il se rebella contre le conservatisme de ses parents, riches propriétaires. Étudiant en France en 1927-’28, il apprit les théories libérales et anarchistes : Ba Jin – son nom de guerre- vient de Bakounine et de Kropotkine. Il écrivit pour « dénoncer l’ennemi – la tradition, la pensée irrationnelle, les forces qui détruisent l’homme ». Sa trilogie autobiographique le rendit célèbre, Famille (’37), Printemps (’38) et Automne (’40). Sur un ton dickensien, il y décrivit la guerre de vieillards bornés contre leurs enfants idéalistes, qu’ils brisent. Utopiste, Ba Jin rêva d’une société égalitaire et coopérative. Il entra en ’36 à la «Société du travail littéraire » avec Lu Xun, et déclara à l’époque: «mon stylo est comme un feu en moi. Même si je tombe en cendres, mon amour pour ce monde demeurera ».

La Révolution culturelle (’66-’76) ne fut tendre pour aucun écrivain : «ennemi de classe», interdit d’écriture, Ba Jin dut nettoyer les égouts, tandis que sa femme se mourrait en ’72 d’une maladie sans soins.

Réhabilité en ’77, élu Président de l’Association des écrivains (’81), il réclama en vain un musée du souvenir de la Révo’ Cul’, et l’abolition de la censure (’85). Même si un musée Ba Jin s’ouvrait dans Chengdu sa ville natale, suivi en 2005, à Canton, d’un mini-musée privé, dédié à cette période noire.

Durant ces années ’80, Ba Jin publia plus de 100 essais décapants : « Pourquoi les lettres chinoises ne se relèvent elles pas? Ou d’autre dans le monde, dans l’histoire, les auteurs ont-ils vécu traitement plus ridicule, terrifiant et bizarre ? »

Dans une de ses nouvelles, sous les traits d’un ouvrier chauffagiste, il déclare « Docteur, vous devez me sauver. Je peux quitter sans peur ma femme et mes enfants. Mais sans moi, que deviendra le four ? »

Ba Jin ne reçut pas le prix Nobel: pour ne pas primer un régime totalitaire, ce jury lui préféra Gao Xingtian, auteur en exil en France. La Chine lui réserva une autre, rare gloire : en 2003, des astronomes chinois donnèrent son nom à un astéroïde !

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