Le Vent de la Chine Numéro 31
Tenu à Pékin du 8 au 11 oct. 2005, le 5ème Plenum du XVI Comité Central du Parti communiste chinois (PCC) fut précédé d’ un rare déploiement de censure, voire de force. Ce rigorisme renforcé répond à une nécessité.
Plus que jamais, pour Hu Jintao (Président, 1er Secrétaire, chef de l’APL, l’armée chinoise), il faut resserrer les boulons, pour
[1] empêcher les foyers de colère de faire leur jonction, et
[2] négocier avec les vieux conservateurs, l’abandon des rênes qu’ils détiennent encore.
Ainsi, le régime voit l’arrivée de cadres jeunes, formés à l’occidentale, mais aussi plus dogmatiques, fiers de leur bilan. C’est ainsi que, par rapport au style déployé sous Jiang Zemin, celui de Hu Jintao s’avère à la fois plus proche de l’Ouest (pour le «management » de l’Etat) et plus éloigné (sous l’angle de la souplesse dans les idées) !
A l’hôtel Jingxi, site du Plenum, les 354 édiles sont arrivés avertis: «les 5 prochaines années sont une période cruciale», le pays doit être en «alerte maximale face aux dangers». Pour faire face, un seul slogan prime: la小康 xiaokang («société harmonieuse»), dont la priorité est le développement durable et l’équité. Ce plenum fixera les lignes du 11. Plan (2006-2010). Lignes pas toutes neuves à vrai dire, mais réitérées cette fois avec l’urgence du dos au mur : le ravalement du système de santé, de l’éducation, des infrastructures sociales. Le seul vrai tournant sera la priorité à la protection de l’environnement, sous les principes du PIB vert (décomptant, dans le calcul de la valeur ajoutée, son coût social et sa pollution), de protection de la ressource, et d’ une halte à la croissance débridée.
Ce Plenum d’autre part, consacre le zénith de Hu Jintao. Ex-bras droit de Jiang Zemin, le vice Président Zeng Qinghong serait à présent passé dans son camp et oeuvrerait silencieusement au ralliement général. Lors du Plenum, Hu pourrait arracher le départ de Chen Liangyu, pro-Jiang, maître contesté du Parti à Shanghai. Il devrait surtout, conformément au mécanisme inventé par Deng Xiaoping, préparer sa succession en désignant le noyau du «leadership de 5e génération», pour 2012 : Li Keqiang, 50 ans, patron du Liaoning, qui pourrait aussi être élevé au rang de suppléant au Politbureau, voire directeur du Bureau général du Parti.
Notons enfin ce RV du 13/10, la fusée Longue marche satellisera deux «taïkonautes»: symbole voulu de la levée de l’ère de Hu. Elle conserve plus que jamais son énigme : face aux risques et aux rochers bien visibles sur son cours, pourra-t-elle évoluer vers plus de libertés ?
Pour garder son avance technologique, Schneider a implanté en 2004 à Pudong un centre de R&D (recherche et développement) promis à devenir un de ses trois grands pôles mondiaux.
L’effort est à la mesure des ambitions d’un groupe qui comptait en 2004 en Chine, 5800 employés, et y vendait pour 540M²- 12 fois son chiffre de ses débuts en 1994.
Depuis janvier, ce centre est passé de 35 à 163 chercheurs, aux 9/10 Chinois. Ils seront 300, fin 2006. Le lieu, explique J. Damarius, son manager, a été choisi moins pour raisons de coûts (comparables à d’autres sites d’Asie), que pour la proximité des usines Schneider, et pour l’émulation de ce Shanghai en perpétuelle effervescence. Le centre doit inventer des transformateurs, commutateurs, robots moins chers, plus adaptés à la demande régionale. Il doit assurer toutes les phases de la R&D, de la conception au design, ou la conformité aux normes (internationales et maison). Le département sourcing est là pour commander les pièces (80% du coût final du produit) tout en orientant ces fournisseurs, pour leur permettre d’accéder aux normes Schneider ». Le centre compte -déjà- quatre laboratoires, pour tester les prototypes ou appareils de série (après quelques années de service) sous les conditions les plus extrêmes, dans la vapeur, le froid ou l’eau de mer, ainsi que leur comportement, couplés à des équipements extérieurs…
Ainsi ce centre de R&D permet à Schneider de voir avec sérénité son avenir, au coeur de Shanghai. Savoir faire admiré, notamment par cette délégation du Sénat français, présente en ses murs le mois dernier… ■
— Un des leaders de l’auto-agrippant, Aplix s’installe près de Shanghai.
Dès 2006, une 30aine d’employés locaux (pour commencer) y produiront les fameuses bandes «scratch». En Chine, la PME de Loire-Atlantique (660 actifs, 109M² de ventes en 2004) vise d’abord les marchés de l’auto, puis de l’hygiène. Mais Aplix a plus d’un tour dans son sac, telle la bande de 50cm de large, très utile dans le médical et le packaging, ou l’intermold, moulage de bande dans une pièce plastique.
Autre moyenne entreprise à vocation mondiale, Manitou, n°1du chariot élévateur (2000 emplois) s’installe à Hangzhou (Zhejiang), après avoir acquis 90% de Irisman, son confrère local. Il hérite d’une usine de 6800m² (50 ouvriers), et complète sa gamme par des engins d’une capacité de levage d’1,5 à 3t. Ce choix chinois pour Manitou entre dans une politique de déploiement, passant par l’Inde, l’Australie, les US et (bientôt) l’Ukraine. Suite à quoi, au 1er semestre, son chiffre progressait de 30%, à 531M², et son profit de 37%, à 44M².
— Depuis 1996, Alliant avait investi 190M$ en Chine, dans 10 centrales thermiques petites ou moyennes, livrant électricité, vapeur ou chaleur à des villes ou zones industrielles.
A présent, le groupe de Madison revend en bloc, et retourne à son marché d’origine, 3M de consommateurs énergivores du Wisconsin. La vente servira à apurer les dettes du groupe. Quatre unités sont déjà reprises, par des intérêts étrangers. Les autres devraient suivre avant juin 2006.
Le prix reste secret, «pour ne pas compromettre les deals en cours». Mais certainement à perte: parmi les raisons du retrait, Alliant évoque la dépréciation de ses actifs chinois, suite à un durcissement de la taxation, à la hausse du charbon et des transports, et à « d’autres facteurs de marché », tels la protection des bas tarifs de l’électricité, et les règlements tatillons. Peak Pacific, la filiale propriétaire des parts de centrales, «poursuivra ses activités après la vente de ses actifs » : en consulting, peut-être !
— Aboutissement de 6 ans de négociations et de 5 ans de construction, le nouveau site BASF ouvre à Nankin (28/10), outil puissant au concept nouveau résume dans son nom Verbund («alliance», en allemand).
Le n°1 mondial de la pétrochimie compte sur l’investissement massif (2,9MM$!) pour doubler d’ici 2010 ses ventes en Chine, et franchir la barre des 10% de son chiffre mondial. Sur 220ha, le complexe assure une capacité d’1,7Mt/an de produits de raffinage et polymères, dans un système optimal d’économie d’énergie et de protection de l’environnement, tout en favorisant l’emploi de pétroles sulfureux à moindre coût. Il s’agit d’une JV avec Sinopec à frais partagés (50/50%).
Les partenaires sont déterminés à aller plus loin : 1MM² d’invests de plus iront au Verbund d’ici 2009, pour renforcer un outil aux ambitions n’ayant d’égal que la soif pétrolière du pays.
On aurait pu s’attendre à ce que l’accord textile du 5/9 entre l’Union Européenne et Pékin fasse des émules sur les cinq continents. Il n’en a rien été.
Ainsi vient d’émerger, sur initiative turque, la coalition de 55 PVD déterminés à survivre au tsunami chinois. L’Alliance Globale du commerce textile équitable (GAFTT) prétend à rien moins qu’une révision de l’accord OMC, revenant sur le principe des concessions tarifaires réciproques entre blocs, au nom des « conditions spécifiques » de leur métier et leurs pays.
Mené par sa dame de fer Auggie Tantillo, le lobby textile US flirte avec la coalition : manière de faire pression sur la Chine pour relancer les négociations bilatérales, pour fixer des quotas volontaires sur 21 produits, jusqu’en 2008. La dernière ronde (28-30/09) ayant échoué, Washington vient d’enregistrer une demande du même lobby, pour introduire au 1er janvier 2006 des quotas arbitraires, avec hausse de 7,5% max, contre 8 à 12% à l’Union Européenne et 15% réclamés par Pékin—4ème ronde prévue pour les 12-13 octobre.
C’est justement le moment choisi par New Delhi pour contre-attaquer: avec son industrie mieux gérée, ses 5% de Cies déficitaires contre 40% en Chine, R. Poornalingam, patron de l’Union Textile prédit (5/10) un retour indien sur les marchés mondiaux.
Face à la fronde mondiale, tout ce que la Chine peut faire, est d’adjuger sur le web (30/9) 18% de ses quotas textiles vers l’UE—12% autres vont suivre : les 2/3 des firmes en lice ont reçu des parts de marché. De la sorte, la Chine tente de démontrer discipline et transparence. Mais on est loin du compte!
Dans un domaine éloigné mais lié, les EAU rompent (1-2/10) leurs engagements envers la Chine, en recevant pendant 29h.Chen Shui-bian, le Président de Taiwan, de retour de visite latino-américaine. Avec ses partenaires d’Abou Dhabi, le leader indépendantiste aurait négocié un «partenariat stratégique pour renforcer les échanges militaires et commerciaux».Une firme émirienne offrit même 5MM$, pour reprendre 20% de la taiwanaise Chinese Petroleum… Tout ceci suggère qu’une page se tourne. Après l’état de grâce suite à son entrée dans le monde, le business chinois va devoir apprendre à partager !
— L’argent (métal) ne va pas que dans les colliers et gourmettes, mais aussi dans l’électroménager, la voiture, la photo… partout ! Aussi la Chine ne peut-elle demeurer indifférente à cette matière première stratégique.
Par foyer, sa consommation reste modeste (1/70ème des pays riches), mais rattrape vite.
En 2004, elle assura 12% de l’offre mondiale, 3275t dont 1050t déstockées (55% de ces ventes dans le monde!), 1985t extraites de ses mines (+65% en 10ans) et 240t retraitées (+78% depuis 1995). Mais la même année, elle dut importer 1100t, +282% en 5 ans : l’autosuffisance est à jamais enterrée.
L’heure est à la ruée des miniers étrangers vers la Chine!
Minco (Canada /Irlande) vient d’obtenir à Canton trois licences d’exploration et dans la foulée, de se faire racheter à 20% par Silver Standard (US). De tels efforts sont aiguillonnés par la perspective de plus qu’un doublement de la demande intérieure sous 10 ans de 1624t à 3685t /an. Autant dire qu’à l’avenir, il sera illusoire d’attendre une baisse du cours du métal blanc!
— D’ici 2010, l’espace aérien jusqu’à 3000m sera libre.
C’est Zhang Hongbiao, Président d’Avic2 qui le dit (24/9), et c’est une révolution, car l’espace aérien est depuis 1949 propriété de l’APL, (l’armée chinoise), qui y veille jalousement, par raison de sécurité et pour conserver son monopole. Mais ce protectionnisme prive la Chine d’une manne financière importante. Aujourd’hui, elle ne compte que 270 licences privées, réparties pour moitié entre avions légers et hélicoptères.
Or, d’ici 2020, le pays nécessitera 10.000 hélicoptères civils, pour un marché de 700MM$ (si !).
De ce secteur, une part reviendra à Avic2, qui vient de conclure avec l’italien Agusta une JV pour produire, d’abord à 20 unités/an, l’hélico de 8 places C109.
Bien d’autres acteurs sont déjà sur le marché, tel Eurocopter (production sous licence de 400 hélicos Colibri à Harbin, co-développement de l’appareil lourd EC 175).
Côté avions, on note ce jet d’affaires Xiaoying «Aiglon» – 500 à Shijiazhuang, avec déjà 60 commandes, à 200.000² pièce. En Chine désormais, l’Orient est moins rouge, que vrombissant !
— C’est par les actes que se prouve l’amitié. Les experts chinois achèvent en Corée du Nord une usine ultramoderne de verre plat d’une capacité de 300t par jour : la Tae-An Friendship Glass Factory.
En construction depuis 2004 sur une rive de la Taedong, elle sera inaugurée lors d’un prochain voyage de Mme Wu Yi, conseiller d’Etat. Pour cette unité offerte, aucun montant n’est révélé. Cet effort exceptionnel offre pour Pékin la promesse d’une double moisson : celle du marché intérieur nordiste, qui une fois sonnée l’heure de la reconstruction, lui reviendra prioritairement. Et l’augmentation des chances que Pyongyang respecte l’entente arrachée le mois dernier –le 19/09 aux US et à la Corée du Sud, pour l’abandon par Pyongyang de sa course à l’arme nucléaire.
— Le Sida poursuit sa course venimeuse à travers la Chine. Au Heilongjiang, en neuf mois, 261 nouveaux cas ont été repérés -disent les autorités.
Plus grave : la part des femmes augmente, de 19,6 à 33,8% en 6 ans.
Cela signifie que ce ne sont plus les héroïnomanes qui s’infectent en partageant des seringues, mais les travailleuses et consommateurs du sexe. «Le mal quitte les groupes à haut risque pour passer chez M.-tout-le-monde», admet Jin Lianhong, directeur provincial de la santé. Ainsi le VIH entre en sa 2de phase de diffusion, celle la plus dangereuse. La multiplication des échanges avec la Russie voisine, au système de santé explosé, n’arrange rien !
Premier fumeur global en valeur relative comme absolue (produisant 90MM de paquet par an -30% du monde, pour 350M d’accros soit 22% de la population), la Chine vient de faire un pas hors de l’enfer, en signant à Nouméa la convention-cadre de l’OMS (organisation mondiale de la santé) pour la lutte anti-tabac (22/09).
Après ratification, ceci l’engage à imposer avant fin 2005 des politiques décourageant l’herbe de Nicot, telles le ban de la publicité et une taxation dissuasive. La Chine offre la fumette à un des prix les plus bas au monde, 0,5² le paquet, incluant une taxe de 46% contre 75% en France. Or, la hausse du prix du paquet est un instrument efficace : grâce à elle aux Philippines entre 2000 et 2003, les fumeurs diminuèrent d’un tiers!
Il est temps : 7 Chinois sur 10 fument en 2005, contre 3% des femmes -mais s’émancipant, elles rattrapent! Le marché de la mort pulmonaire gagne en Chine 4,5%/an, avec 1,2M de victimes, qui auront doublé en 2025. Au XXI. siècle sur terre, dit l’OMS, les morts nicotinés seront 1MM, face aux 100M du XX.s.
Le tabac rapporterait à la Chine 21MM$ de taxes (70% du budget du Yunnan, 8% du national). Mais ce «profit» est dévoré et au delà par les dépenses invisibles en soins, travail non presté, et assistance aux veuves et orphelins : au moins 60MM$! A l’origine de la céleste tabagie, la Révolution de ’49 glorifia le tabac, substitut d’un opium trop vite éradiqué, en six mois. Aujourd’hui encore, bien des provinces gardent la volonté sincère, mais mal informée de donner au peuple, par le tabac, un exutoire aux duretés de la vie.
Signe du changement d’attitude officielle : la presse des années ’80 montrait Deng jouant au poker, dans un nuage de fumée bleue de marque 555 ou Panda. Or le 6/10, au zoo de Qinling (Shaanxi), elle présente Ai-Ai, femelle chimpanzé de 26 ans ayant appris « seule » à fumer, aujourd’hui forcée à une cure par ses gardiens. Changement d’image et de consigne symbolique—mais la pente sera dure à remonter!
— Un soir du 15/9 à Wuhan, en pleine fête, “Melle” He subit une colère olympienne qui médusa l’assistance, et dynamita son image à jamais.
Depuis 2003, He était mariée à un certain Song. Mais d’une volonté forte et d’une nature joueuse, cette fille immature et adorant plaire, avait imposé à son partenaire une règle aussi étrange qu’égoïste : aux yeux du monde, cette union serait leur secret!
Ainsi vivait-elle dans le meilleur des mondes possibles, avec à demeure un homme tremblant de la perdre, et dehors, sa liberté dorée jour et nuit. A son agence de pub, le chef ne craignait pas de confier des responsabilités à cette “célibataire”. Collègues et clients faisaient pleuvoir sur cette “fille-canon” des invitations à des fêtes dont elle était l’invariable reine. Jusqu’au soir où elle fut conviée “en couple”: la tuile! He crut s’en tirer en amenant le mari, quitte à le présenter en “ami”. Mais pour Song, la coupe était pleine : il s’enfuit humilié, et quand elle le rattrapa, devant tous, il imposa son diktat: la reconnaissance de leur union, ou le divorce… Preuve qu’en Chine comme ailleurs, les secrets les plus lourds sont intenables: 纸里包不住火, zhi li bao bu zhu huo, «on n’emballe pas du feu dans du papier»!
NB : le féminisme prend aujourd’hui bien d’autres formes, encore occultes. Telle lesbienne de Lanzhou (Gansu) rêve d’émigrer avec son amie pékinoise en Hollande, la Lesbos moderne. Telle épouse de Zhengzhou (Henan) refuse un enfant à son mari, puis gagne le procès qu’il lui intentait, pour 7800² de dommages. D’autres cultivent la mode de l’enfant tardif, notamment à Tianjin, avec ses 4000 mères de plus de 35 ans, par an, depuis quatre ans. La pratique a même son proverbe : 老蚌生珠 lao bang sheng zhu, la vieille huître a produit une perle!
— 12-17 oct, Shenzhen : Foire China HighTech
— 15-30 oct, Canton : Foire de Canton
— 15-16 oct, Pékin : G20, sommet Ministres des finances et Gouverneurs des Banques centrales