Belle et jeune cadre, l’incarnation du succès à Nankin, Zhao Wenjing pensait à se marier.
En janvier, une amie lui présenta Deng Yaguang, 28 ans, démarcheur pour un groupe d’alimentation. Ils se plurent, ainsi qu’aux parents : l’affaire était faite!
Mais par passion de se montrer à la hauteur, Zhao gâcha tout. Réservée de nature, elle se trouvait godiche dans les repas d’amis, où Deng brillait par ses blagues parfois un peu salaces. Aussi ne trouva-t-elle rien de mieux à faire que de s’initier en secret à l’argot. Au prochain banquet, égayée par le vin, elle se mit à enfiler les blagues et jurons de harengères.
Les convives furent éblouis, mais le fiancé en resta «les yeux écarquillés bouche bée» (目瞪口呆 mu deng kou dai) : ayant perdu la face, il la plaqua sur le champ, quittant la ta-ble—ambiance! Intervint alors le conseil des parents, pour sauver le mariage en péril. Au fiancé offensé, ils firent valoir que la timide n’avait voulu que l’honorer en l’imitant. A la fille en pleurs, ils expliquèrent patiemment que c’était justement en fleur coupée qu’on la voulait, et pas autrement. Elle jura de se taire, suite à quoi il pardonna, Lion superbe et généreux.
Mais dans sa tourmente, Zhao avait entr’aperçu le deal avec cruelle clarté : le mariage, ou la liberté d’expression. Par ses exercices en langue canaille, elle avait eu le temps de découvrir la face cachée d’elle-même, et celle-ci lui avait bien plu : après mûre réflexion, elle confia toute l’histoire au journaliste, qui la publia, dynamitant cette fois l’union pour de bon
Sommaire N° 11