Quand il rencontra Melle Xiao à Chengdu en 1993, Zhang était tiré à 4 épingles, propre et serviable- il n’hésitait pas à tomber le veston pour faire briller les carreaux des futurs beaux parents qui ne tarissaient pas d’éloges sur la perle rare. Tout au plus la belle-mère fine mouche, eut-elle un doute sur ses manières timides et son obsession de propreté.
Mais 12 ans après, le 17/3, le pressentiment s’est confirmé: au tribunal, une Xiao furieuse,aux «sept orifices faciaux fumants de rage» (七窍生烟,qi qiao sheng yan) exige le divorce, pour cause d’ ivrognerie et de puanteur -Zhang ne s’est pas lavé depuis 3 mois. Entre l’homme si net à 24 ans, et le clochard à 36, que s’est-il passé? Dérive d’autant plus étrange qu’à peine en couple, la jeune épouse a pris en main le ménage, offrant à son aimé une vie de coq en pâte.
Au début, Zhang réagit en bon mari, mais découvrit vite les charmes des libations nocturnes avec les collègues. La boisson le libéra de sa maladive timidité : les vapeurs éthyliques lui dirent que son vernis BCBG n’était que la chape de plomb d’une enfance en enfer. Dès lors, il se mit à cogiter, à passivement critiquer sa vie, et le cocon de son couple devint le terreau de sa ruine, faute de graine à y faire germer. C’est ainsi que pour Zhang, l’accès à l’âge adulte ressemble à un retour raté dans l’atmosphère, avec deux seules issues possibles (selon l’angle d’attaque de sa capsule spatiale), toutes deux tragiques : la désintégration par le feu du refus de son passé, ou le rebond vers le vide abyssal de sa nouvelle identité!
Sommaire N° 10