Si ce vent de la Chine consacre son éditorial à la Corée du Nord, c’ est que le pays vit une disette d’une rare âpreté, pris entre un hiver rigoureux (un de plus), et des greniers vides -même ceux de l’ONU!
En principe, les Nations unies, le Programme alimentaire mondial, le PAM en tête, nourrissent 6,5M de femmes et enfants, sur 23M d’âmes.
Mais le 9/2, le PAM lance un cri d’alarme : pour janvier et février, jusqu’à la récolte de printemps, l’organisme charitable n’a plus de vivres que pour 8000 tout-petits et 75.000 femmes enceintes. Le reste de la population devra se contenter de 300g de riz/jour, 1/2 de la ration de survie. Une hécatombe de mortalité n’est toutefois pas à craindre: le « Pays du matin calme » ne risque qu’une rechute de la malnutrition infantile, que l’ONU avait réussi à faire reculer, moyennant de lourds efforts, de 62% en ’98 à 42% en 2002.
Si la Corée est en si mauvaise posture, c’est bien sûr dû aux choix politiques de son régime, mais aussi à la partition de la péninsule : avant 1950, c’était le Sud qui nourrissait le Nord. D’autre part, la lassitude des pays donneurs est claire, forcés d’aider Pyongyang depuis 9 ans, sans pouvoir l’empêcher de reprendre en 2002 la course à la bombe.
«Les circonstances sont défavorables », admet M. Hyder, directeur du PAM/Chine, pour expliquer que le grain offert en 2004 à la Corée, n’atteigne que 140.000t, loin des 485.000t nécessaires! D’ailleurs, ultime épée de Damoclès, le Japon pourrait imposer à Pyongyang un embargo sur tout commerce, au titre d’un vote de sa Diète, la Corée étant alors classée « régime hostile ».
Dans ces conditions, on saisit mal les motivations du régime du cher leader Kim Jong-Il, pour avoir relancé 16 mois plus tôt son programme atomique militaire, très conscient des conséquences calamiteuses pour la nation. C’est que ce régime stalinien à la fois illuminé et pragmatique, avec pour boussole sa seule «Juche» (idéologie nationale, syncrétisme de stalinisme, bouddhisme et christianisme), est déterminé à vendre cher l’abandon de sa capacité de nuisance contre une dernière chance de survie politique.
Le 25/2, le sommet multilatéral reprend à Pékin, à 6 pays, avec pour ambition un genre de traité de paix, ultime étape de la guerre de Corée. La Chine a soigneusement préparé l’événement, en prenant soin de préserver son rôle «non aligné».
On observe une dose homéopathique d’embellie, avec le choix comme négociateur nordiste de Kim Gye-gwan (vice-ministre des Affaires étrangères) – un diplomate modéré. Mais sur les chances d’aboutir, Pékin ne laisse pas d’illusion, vu l’absence de marge de manoeuvre entre US et Corée, les deux grands intervenants : « Ne pas croire que le problème puisse se résoudre en une ou deux rencontres»!
Sommaire N° 7