— En classe terminale à Hefei (Anhui), faute d’amour de soi, Lulu (prononcez Loulou) filait du mauvais coton.
En juin l’attendait le bac, où moins de 50% des lycéens réussissent. Elle était dévorée par son vieux démon : une enfance sans amour, amitiés ni flirt. Et comme 30% de ces jeunes Chinois, Lulu, incomprise, souffrait de stress et s’emmurait dans un silence agressif. Scotchée des heures par jour à l’internet, elle rêvait de quitter le train en route.. D’une manière inopinée, c’est sur cette toile qu’elle rencontra celle qui lui sauva la vie: Liu Huanrong, autre surfeuse qui lui porta un message d’espoir, de découverte de ses atouts propres et d’éveil. Au fil des mois, elle ferma ses blessures, allant jusqu’à appeler ses parents pour les convaincre d’échanger avec elle, autrement que par blâmes moralistes et disputes…
Mais l’argument ultime, par lequel Liu réconcilia Lulu avec elle-même, fut sa propre apparition sur écran. Victime 30 ans avant d’un feu de forêt, Liu était grande brûlée, recluse en appart, tapotant ses e-mails de son unique doigt restant. D’aspect monstrueux, elle aussi avait connu la tentation du suicide, et s’était sauvée par le chat sur internet : voir la différence de chance entre cette elephant-woman et elle-même, fut pour Lulu une leçon dé-cisive : elle potassa son bac, et l’obtint haut la main.
Quant à Liu, elle est depuis lors la “Mme Soleil” de l’internet chinois. Par milliers, les jeunes paumés se pressent sur le site que des bénévoles lui ont gratuitement ouvert. Liu est la preuve vivante d’une conviction profondément ancrée en Chine : 苦海无边,回头是岸 ku hai wu bian, hui tou shi an, la mer amère est sans bornes, mais le rivage est derrière ta tête -au plus profond du désespoir, un rayon de lumière veille!
Sommaire N° 24