Réformes et privatisations qui déferlent depuis ’99 sur l’hôpital chinois, ne peuvent endiguer deux vieux démons : mercantilisme et charlatanisme: Mme Wu, de Shenqiu (Henan) l’apprit à ses dépends. Souffrant d’un décollement de la rétine, elle dut monter 2000km en train, sur Shenyang (Liaoning), vers l’hôpital de son fils, pour obtenir le diagnostic. Pour l’intervention jugée urgente,il lui fallut redescendre sur Shanghai (2500km), vers l’hôpital Huashan – Mecque de cette pathologie.
Mais au coeur du maelström hospitalier, parmi des 100aines d’autres âmes en peine débarquée des 4 coins du pays, impossible de se faire coucher sur la liste d’attente -plus encore, sur la table d’opération! C’est alors qu’une dame bavarde, du genre 三寸不拦之舌 san cun bu lan zhi she (à la langue « dépassant les 3 pouces » soit 10cm) l’aborda pour lui vanter un hôpital voisin qui faisait justement (disait-elle) des miracles sur ce type de maladie, sans opérer, grâce aux bons vieux remèdes chinois…
Wu ne demandait qu’à la croire! Avec l’égérie, elle s’y rendit: examinée au lance-pierre, elle y reçut 2 gros sacs d’ herbes variées. A 2888¥, la note était salée comme des larmes, mais la série des «8» était de bonne augure. La guide poussa la prévenance, jusqu’à la raccompagner à la gare.
C’est là qu’intervint le grain de sable du destin : sans malice, MmeWu appela son fils : sentant l’arnaque, celui-ci lui ordonna un «demi-tour», vers un 3ème hôpital, pour en avoir le coeur net: elle fut immédiatement opérée! Dans la foulée, un blitz policier mit sans dessus dessous l’hôpital malhonnête. Après avoir remboursé la naïve patiente, le service indélicat fut fermé, le Dr Jiu (l’escroc) révoqué et la bavarde arrêtée. Elle s’avéra être une 医托 yi tuo, «rabatteuse hospitalière» – un nouveau petit métier.
Sommaire N° 18