Editorial : Les oubliés de la réforme agraire

La trêve de la semaine du 1er mai permet à la presse chinoise de méditer sur un défi méconnu de la réforme agraire.

Cette année, le régime s’est imposé de rehausser de 5%  le revenu du paysan.

Mais selon Min Tang, économiste à la Banque asiatique de développement (ADB), «si l’on est sérieux dans cette démarche, l’on ne peut faire l’impasse sur le problème des coopératives de crédit agricole (CCA), héritage maoïste aujourd’hui dépassé, incapable de faire face à sa mission.

Une ferme sur deux déclare avoir besoin de crédit, mais les 2/3 ne tentent même pas de s’adresser à une CCA.

Quoique génératrice de 15 % du PIB, l’agriculture ne reçoit que 5% du crédit national, dont 20% au plus, issu des CCA. Le reste vient de financements parallèles, tontine, usuriers ou banques privées illégales, telle l’éphémère tentative du financier Sun Dawu (Hebei, cf VdlC n°39),  qui sombra lors de son incarcération.

Un des problèmes des CCA, est leur atomisation en 35.000 coopés pour 223MM² de dépôts (12% de l’épargne),  incapables de faire du chiffre et de réduire leurs charges. Un autre, est le vampirisme des cadres de base, qui les prennent pour leur cassette discrétionnaire. De ce cadre maoïste, el-les héritent de modes de fonctionnement byzantins et peu commerciaux, tandis que les malheureux ayant placé chez elles leurs fonds, s’en voient

spoliés. Violence policière et corruption sont monnaie courante pour maintenir à flot ces CCA officiellement endettées à 26%, en réalité au moins à 50%. Jusqu’à 30MM² seraient ainsi drainés des campagnes par les CCA, aggravant la crise de crédit qu’elles étaient censés alléger.

En août 2003, le tandem Hu Jintao-Wen Jiabao entame le nettoyage des écuries d’Augias.

La CBRC fait redescendre vers les branches locales de la BPdC le contrôle des CCA, dans les 8 provinces ou villes volontaires : Chongqing, Guizhou, Jiangsu, Jiangxi, Jilin, Shaanxi, Shandong et Zhejiang.

En trois ans, les CCA doivent y être fusionnées à dix pour une, permettant de réduire la pression des hobereaux rouges et d’élargir leur territoire – disposant ainsi de meilleurs projets d’investissement. Une mesure est à l’étude, imposant aux CCA de conserver une partie des fonds, au lieu de s’en défausser vers la banque centrale. Les nouvelles structures ont déjà toute liberté et responsabilité pour s’organiser dans la forme de leur choix -actionnariat, coopération, et viser toute clientèle (rurale, ou urbaine).

En échange, Pékin épongera 50% des dettes  – 3,8MM² iront aux 8 provinces, et 16MM pour le pays entier. Par rapport aux 210MM² insufflés depuis 1999 dans les banques d’Etat, cela reste très insuffisant. A tâtons, un important programme de libération des taux  (aujourd’hui bloqués à 8%) est en cours, permettant de prêter à taux plus élevés que les banques (10,6 %, pour les prêts «verts»).

L’essentiel, dans l’immédiat, étant d’enrayer les pertes, afin de rassurer l’épargnant : c’est le même impératif que pour les banques, mais dix fois plus difficile, dans ce monde vert déshérité !

 

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