Le scrutin du 20/3 à Taiwan a plongé l’île dans un ouragan durable.
Chen Shui-bian, le Président autonomiste (depuis 2000) fut réélu d’un fil—30.000 voix sur 13M.
La veille, en campagne, il avait été blessé par balles, avec Annette Lu la vice-Présidente. Cela suffit à Lien Chan, le perdant (KMT) pour dénoncer l’élection et exiger un recomptage des votes. Sept jours après, la situation reste bloquée, l’île écartelée!
C’est qu’après ce vote, rien n’est plus comme avant, et Taiwan est à un tournant de son histoire.
Tout le monde y perd:
[1] Le Président Chen, car son projet de référendum a été défait, n’ayant pas atteint le quorum de 50% —malgré une participation fleuve de 80,3% (les votants se sont abstenus sur les questions du référendum).
Résultat : à l’avenir, le DPP, parti de Chen, aura du mal à recourir à l’outil du référendum!
[2] Pour le KMT, la perte est plus lourde encore: fondateur du régime, cet Etat dans l’Etat déjà écarté depuis 2000 du pouvoir, en reste écarté pour 4 de plus : son implosion est inévitable, début d’une douloureuse métamorphose en un vrai parti insulaire et démocratique, moyennant l’abandon de ses vieilles méthodes. Enfin,
Ainsi Ma Yin-Jeou, son jeune et populaire maire de Taibei, aurait fait un meilleur candidat que Lien, le millionnaire apparatchik.
[3] Pékin elle-même perd, devant souffrir le retour d’un leader indépendantiste qu’elle espérait voir chassé. L’agressivité de ses accusations multiples et non étayées, pourrait accélérer sa chute, d’autant que le 26/3, Pékin avertissait sans frais : «si l’instabilité devait gagner en force, nous ne resterions pas immobiles ! »
Le KMT réclame soudain non plus le recomptage mais un nouveau scrutin, et organisait le 27/3 à Taibei une manif de 500.000 supporters, renforçant l’image d’une île écartelée.
A présent, la publication du scrutin le 26/3 (et les « félicitations » des US au vainqueur, aussitôt décriées par Pékin) ouvrent la voix au recompte : les 2 parties sont d’accord sur le principe, mais non sur les détails.
Sans qu’on puisse déjà dire si Chen sauvera son mandat, Taiwan sortira affaibli politiquement.
Commercialement par contre, les choses se présentent de manière plus sereine : la reprise se dessine à Taiwan, avec 24MM$ de surplus commercial (sur 36MM$ d’échanges) avec la Chine, où les firmes insulaires ont déjà placé 100MM$.
Le temps pourrait être mûr pour Pékin pour un geste amical avec Chen, dans le ton du discours du 1er ministre Wen Jiabao devant l’ANP (VdlC 10-11). Techniquement prête, la réouverture des routes aériennes, navales et postales pourrait être obtenue vite, dédramatisant ainsi le cadre des rapports à l’avenir. Enfin, ne pas s’y tromper : encore et plus que lors des années passées, ce vote crispé opposa la finance d’origine continentale, à la petite et moyenne bourgeoisie indigène, min’an et hakka !
Sommaire N° 12