— Le Plenum a orchestré un tournant -attendu!-, en matière de réforme financière. Quoique cette mutation soit appelée à bouleverser le paysage financier au cours des prochaines années, elle a été présentée sans fanfare, par touches dispersées, pour éviter de faire des vagues!
Le projet le plus fort est ce règlement sur les activités bancaires dérivées (le droit pour la banque de faire de l’assurance ou de la bourse).
Dès le 1/9/2004, les banques pourront s’y livrer de manière spéculative, affranchies de l’obligation de se limiter à des activités du type fonds de réserve.
Prix pour ce privilège : les banques se voient imposer une masse d’objectifs arides, tels limiter d’ici 2007 leurs coûts à 35-45% du chiffre d’affaire, ou leurs mauvaises dettes à 5 voire 3%. La masse des mauvaises dettes des quatre grandes banques atteint officiellement 231MM$ (20,4%), dont 44MM$ (28,4%) au seul Dongbei.
La Commission de régulation boursière (CBRC) compte sur l’étranger pour dépanner d’abord, BdC et CCB qui offrent à l’étranger, « à saisir » 20% de leurs parts, avant d’aller en bourse d’ici 2005.
Dans la foulée, 2 groupes US, AIG et Newbridge s’apprêtent à placer 250M$ et 175M$ (7% et 5%) dans Minsheng, banque privée déjà investie à 1,2% par IFC (Banque Mondiale).
Pour 400M$, Carlyle reprendrait 25% de China Pacific, n°3 de l’assurance-vie.
Par anticipation d’une percée de la finance étrangère -aujourd’hui capitalisée à 48MM$ (1,4% du secteur), la CBRC demande à chaque banque opérant sur son sol deux rapports audités par an.
En politique de prêts, confrontée à la surchauffe du crédit, la tutelle refuse d’augmenter les taux, mais envisage de porter d’ici 2007 la réserve bancaire à 8%, et à limiter les prêts fonciers à 30% de l’investissement total. Mesure qui n’affecte pas l’objectif de libéralisation: en 2010, presque tous les types de comptes-capitaux devraient être convertibles!
En matière d’impôt industriel, la taxe d’entreprise aux taux de 33% pour Chinois et 17% pour étrangers, serait harmonisée d’ici mars 2005, et les étrangers recevraient d’autres privilèges pour compenser leur perte.
Enfin, en matière monétaire, UBS croit que Pékin réévaluera son ¥ d’ici juin-août, de 1 à 3%.
— Un petit escargot émeut le Plenum. En soi, qu’il remonte la rive nord du Yangtzé au-delà du 35°Parallèle ne serait pas grave, s’il n’était vecteur de la schistosomiase, mal de l’homme et du bétail, dont 1M de Chinois souffrent.3520km² sont déjà infestés. La cause de cette remontée est le réchauffement global, mais aussi le creusement du canal Sud-Nord, du Yangtzé vers le Fleuve. Jaune et la Chine assoiffée.
L’alerte est assez grave pour qu’en février, le Conseil d’Etat centralise la lutte, reprenant le dossier aux sept provinces touchées. Pour éviter ce genre d’accident à l’avenir, la Chine se met au “développement durable”, et veut introduire sous 3 ans le “PIB vert”, projet–pilote destiné à évaluer chaque année le coût de la croissance en terme de bien–être et de conservation du patrimoine naturel!
— L’immobilier est un dossier qui divise l’ANP, entre entrepreneurs politiques qui passent les villes au pilon, et expropriés souvent mal relogés et indemnisés. Pourtant, les villes insalubres ont bien besoin de reconstruction, tel Pékin dont le plan, à terminer avant les Jeux Olympiques (JO) de 2008, concernera 350.000 foyers et 1,1M d’âmes, dit le maire Wang Qishan, justifiant les évictions. En mesure d’apaisement, le ministre du Sol a suspendu un nombre inconnu de permis de 拆成 chaicheng (démolition) dans 26 villes. Mais seulement à titre provisoire, le temps de (sic) «rectifier les erreurs» des promoteurs!
— Ersatz de dialogue, les motions sont un des innocents piliers de l’institution de l’ANP, permettant aux plaintes de remonter à la surface. Un élu, Zhao Linzhong s’est rendu célèbre sous le sobriquet du “roi de la motion”, dont il a déposé 500 depuis son élection en 1998. Le cru 2004 pour le Plenum fut prolifique, avec 1374, dont environ un tiers seront étudiées au fil de l’année. Une motion et un thème se distinguent du lot.
Celle-ci indique le folklore mi-poétique, mi-patriotique de la session : ayant réuni le plus grand nombre de signatures (111), elle offrait de faire du gingko l’”arbre national”.
Plus sérieusement, 10% des motions concernent le thème sanctifié par Hu et Wen en personne : la condition paysanne!
— Face aux députés, la Chine officielle se veut phare des pays en voie de développement (PVD), sous l’angle de la R&D où elle a investi 15MM² l’an passé, soit 1,32% de son PIB – 12 fois plus qu’en 1990. Elle est aussi au 5. rang mondial, pour le nombre de thèses dans les revues scientifiques internationales. Montée en puissance, donc! Mais ce qu’on ne dit pas, est que cette recherche reste des décennies en arrière de celle d’UE ou des US, grevée de handicaps. Elle n’échange pas ses résultats : tant par tradition que par hiérarchie, elle est secrète. Elle est trop souvent à court terme et dans le rentable immédiat. Enfin, ses budgets vont trop souvent aux pistonnés, plus qu’aux méritants.
— Logiquement en Chine, la Marine nationale est le corps de l’Etat connaissant le mieux l’archipel des Spratley, petit paradis de palmiers et de plages au large des Philippines, ignoré du monde et de ses pollutions. Ce qui explique que le contre-amiral Wu Shengli ait milité (7/3) en faveur d’une mise en valeur de ses ressources, moyennant l’ouverture accélérée de chantiers “pour préserver (à défaut de l’environnement) l’unité et les intérêts nationaux”. L’amiral voudrait voir ports de pêche, plates-formes pétrolières et villages vacances chinois pulluler sur les 100 îlots. Des lois devraient être votées pour “mieux protéger la souveraineté de la nation”.
NB : les Spratleys sont disputées par 6 pays riverains qui pour l’instant, les traitent de facto
comme un sanctuaire commun.
— Au Parlement, le traditionnel débat sur la condition de la femme fut d’une franchise de bon aloi, et vibrant de nouvelles pas toujours rassurantes. En effet, l’égalité des sexes semble s’éloigner sur la ligne d’horizon. Au Guangdong (Canton), la femme suit deux années scolaires de moins que l’homme (contre une, moyenne nationale), et Xu Chulian, patronne de la Fédération locale des femmes, s’inquiète de voir de plus en plus de jeunes filles rechercher une vie facile hors du besoin, comme 二奶 ernai («2de poitrine»), au risque de se faire rejeter 10 ans plus tard.
La femme chinoise n’occupe que 21% des postes de direction, contre quasi 50% (égalité absolue) en Suède.
Les avortements sélectifs (= l’élimination des bébés-filles) ne cessent de progresser.
Alors que l’humanité engendre 105 garçons pour 100 filles, le taux chinois est passé de 108 en 1982 à 117 en 2000, voire 130 à Hainan et à Canton. Le résultat sera probablement, en 2020, la présence de 40M de jeunes hommes sans femmes, avec pour corollaire ces signes de crise sociétale déjà présents : viol, prostitution, rapt et mariages forcés.
A défaut de pouvoir offrir à la condition féminine une nouvelle donne, le forum mit à l’honneur deux infos en forme de deux gadgets.
[1] A Jinan (Shandong), un tribunal de 7 juges du beau sexe fut mis sur pied pour traiter les affaires de violence conjugale (il aura de quoi faire, ce mal frappant 30% des foyers), et
[2] Gu Xiulian, Présidente de la Fédération nationale, annonça que le programme spatial chinois commencerait dès 2005 à recruter et former des taikonautes chinoises—sans oublier, bien sûr, les compatriotes de HK et de Macao !- pour les envoyer dans ses prochains tirs de capsule Shenzhou : histoire qu’enfin, de cette manière inattendue, la femme “occupe la moitié du ciel” !
— Pour définir le budget de l’Armée Populaire de Libération (APL) cette année, il a fallu jouer fin.
En 2003, pour la 1ère fois en 13 ans, la hausse n’avait pas franchi le cap des 10%, et l’état-major ne se privait pas de se plaindre : vu le poids de la “notre nouvelle Grande Muraille” dans la vie publique, impossible, cette année, de réitérer l’exploit sans s’attirer des foudres. Mais si l’enveloppe était trop lourde, comment maintenir l’idée d’une priorité au monde paysan?
Finalement, le budget kaki fut majoré (6/3) de 11,6%, à 25MM$ -un 12ème du budget national. De toutes manières, de tels chiffres ne signifient pas grand chose : entre son patrimoine foncier voire industriel, ses crédits secrets d’achats d’armes à l’étranger et de recherche, son budget réel, dit le Pentagone, plane furtivement entre 55 et 100 MM$. Et la Grande Muette, cette année, démobilisera 0,2M de ses 2,5M de soldats : un petit pas dans la longue marche pour faire de l’APL, à l’horizon 2050, le principal contrepoids à l’hégémonie militaire des US!
Sommaire N° 10