Quatre jours (7-10/12) entre Washington, New York et Boston pour Wen Jiabao, 1er Ministre chinois, permettront de prendre la température des relations Chine-US, ambiguës depuis des mois.
R. Boucher, porte-parole de la Maison Blanche, les décrit comme «à l’apogée de leur histoire». Ce qui n’empêche les US, irrités du «dumping» du ¥ (qui leur causerait 130 MM$ de déficit commercial en 2003), de miner la visite par des attaques aux exports chinois (textiles, postes TV , voire gants de latex), faisant planer sur Pékin la menace d’un tarif général de 27,5%, jusqu’à ce qu’il révise la parité ¥/$.
La même pression US s’exerce au plan politique : G.W. Bush accorda en nov. à Chen Shui-bian, Président de Taiwan, une «escale» à NY, puis une rencontre avec Colin Powell à Panama. Il fit même réitérer la promesse de protéger son petit allié, quand ce dernier annonça des référendums « politiques» pour 2006, à la fureur de Pékin… Face à ces actions pourtant, Pékin a conservé un calme impavide: Wen arrive aux US, tout sourire. C’est que, explique son entourage, c’est à son tour de brûler ses cartouches :
1. Dressées contre le monde entier, les actions protectionnistes US sont condamnées par l’OMC, et source de rétorsions de l’UE et du Japon. La Chine va suivre: en position intenable, Washington recule (sur l’acier)!
2. Wen rencontrera Bush le 9/12 avec en poche, des concessions importantes, équivalent de 1000MM$ d’import des US sur 3 ans. Il accepte aussi de rencontrer syndicats et lobbies US hostiles à Bush (échaudés par 2,7M d’emplois perdus depuis 2000), pour leur vanter les gains futurs de leurs industries et services sur le marché chinois. Autrement dit, Wen soutient ouvertement Bush dans sa réélection en novembre 2004.
3. Sur la question de la Corée du Nord, un accord est en l’air, pour mettre un terme à son programme nucléaire offensif, moyennant un deal international. Ce sera le seul succès indiscutable de la guerre sainte antiterroriste de Bush. Mais cet accord a pour condition sine qua non la coopé de Pékin : ce qui vient d’être démontré a contrario par le rejet, par les US (+ Japon et Corée du Sud), du “plan de compromis” concocté par la Chine !
Rien sans rien : en position de demande sans pouvoir le dire, Bush devra céder sur quelque chose – Taiwan, sans doute. Pragmatiquement, il vient de lâcher l’île sur la question des référendums, et en annulant des exercices militaires virtuels, auxquels le ministre taiwanais était convié.
Dernier élément de cette équation complexe : gênée par l’”unilatéralisme” (entendez, l’hégémonisme) des US, Pékin est en quête d’un rééquilibrage multipolaire—Wen, aux US, ne l’oubliera pas. Aussi depuis Pékin, on ne s’attend à aucun deal lésant les intérêts majeurs des autres acteurs (UE, Japon, Taiwan) – ni d’ailleurs, à aucune décision d’importance!
Sommaire N° 39