· En Chine de 2003, en tout bien tout honneur, tout peut servir dans la course à l’argent. Même Lei Feng, le soldat maoïste mort au service du peuple à l’âge de 22 ans, qui avait été canonisé en héros national. Hier utilisée par la propagande et les journaux, ses photos se retrouvent à présent sur internet ou en soutien de pub, nostalgie garantie sur facture. C’est alors que Zhang Jun, l’auteur des 200 clichés qui consacrèrent sa légende, a imaginé d’ester en justice pour faire reconnaître ses droits d’auteur. Or, au tribunal du Liaoning, il vient (27/6) d’obtenir gain de cause : désormais, il faudra payer pour exploiter le logo du soldat bénévole révolutionnaire! A 77 ans, Zhang affirme avoir agi pour le principe: toute royaltie ira à des oeuvres sociales conformes à l’esprit de son ex-camarade de régiment. Enfin, ce débat est bien théorique : Zhang s’attend à des réticences des utilisateurs, pour commencer à payer ce qu’ils ont consommé gratis depuis ’40 ans: il en va de Lei Feng comme de l’eau courante, tout se taxe !
· Après ses étapes au Japon et aux US, le nouveau prsdt Sud-coréen Roh Moo-hyun reprend son bâton de pèlerin, direction Pékin (7-10/7), dans l’espoir d’arracher la présence de Séoul au débat de paix (nucléaire) sur la Corée du Nord. Espoir illusoire : Entré en fonction un mois avant Hu Jintao -qu’il rencontrait pour la 1ère fois-, Roh n’obtint qu’une déclaration commune de bonnes intentions, évitant comme la peste de spécifier quelles nations iraient aux pourparlers. Les Présidents signèrent aussi un accord de coopé judiciaire et un système de médiation des conflits commerciaux. Ces résultats peuvent sembler minces, vu l’importance réciproque des 2 pays.
Depuis le rétablissement des liens diplomatiques en 1994, la Corée du Sud est passée 3. partenaire de la Chine. Les échanges bondissent, +40% de jan à mai, à 23MM$, dont les 2/3 au profit de la Corée. L’exercice 2002 est aussi étonnant: 44MM$ (contre 5MM$ en 1994), et les 2 pays pensent franchir la barre des 100MM$ d’ici 5 ans. C’est ce qui explique le seul progrès enregistré entre Hu et Roh, dans le seul domaine où ils sont d’accord : une rencontre annoncée par Roh pour octobre, avec Chine et Japon, en marge du sommet de l’Asean à Bali : afin de préparer un accord triangulaire de libre-échange, fondation d’un bloc commercial, contrepoids à l’UE et aux USA!
· Cette affaire délicate décrit avant tout l’autonomie réelle des provinces sur tout domaine non idéologique, ainsi que leur hantise de ne plus maîtriser la propagation du virus du SIDA. A la fois victime et responsable de 10 ans d’une collecte de sang rémunérée effectuée sans les moindres précautions, le Henan compterait 1M (voire bien plus) de séropositifs ni déclarés, ni assistés, dans leurs villages. Le 17/6, quelques 200 séropositifs du village de Xiongqiao attaquèrent la préfecture de Wulong, détruisant du matériel. Ils protestaient contre la suppression des 24$/mois par malade pour ses soins, et le détournement de 6000$ publics destinés à construire un dispensaire local. La nuit du 22/6, par rétorsion, 500 à 600 policiers envahirent le village, s’introduisant dans les logis, frappant et détruisant à tour de bras. Bilan : 12 blessés et 13 appréhendés, qui seront inculpés de « vol », pour leurs destructions du 17/6.
· Première à Pékin et quatrième fois en Chine, une femme accuse en justice son ex-patron pour harcèlement sexuel. Malgré le risque de perte de salaire et de la considération de ses voisins (de sa famille), Lei Man, 25 ans, affirme avoir préféré quitter son emploi en oct. 2001, devenu un enfer à cause de la traque de l’employeur, Jiao Bin, vice-directeur de la Cie d’ordinateurs Founder Order. Non content de la contraindre à démissionner après des mois de ce jeu, Jiao avait interféré dans sa quête d’autres emplois, et même réussi à la faire arrêter brièvement lorsqu’elle avait porté plainte. Elle réclame 6000$ et des excuses. Curieusement, le principal témoin de la victime présumée, se trouve être le propriétaire de la firme -un homme. Jiao lui, ne s’est pas présenté au tribunal -ce serait à ses yeux une admission de culpabilité. Il nie tout, et réclame 600$ « de dommages moraux ». On ignore l’issue du procès—les 2 parties se sont refusées à un arrangement hors-prétoire. Si la justice est si timide sur ce type d’affaires (deux des 3 autres plaignantes ont été déboutées), c’ est qu’elle touche à un problème fondamental de société. 71% des pékinoises se disent victimes de harcèlement sexuel, 54% de blagues sexistes, 29% d’exhibitionnisme, 27% de voyeurisme, 2% d’appels anonymes, et 27% ont été contraintes à des contacts non désirés.
Sur le fond : le néo-libéralisme chinois moderne a eu comme effet secondaire l’éveil d’une soif immense de plaisir. D’où beaucoup plus de relations, de prostitution…et de harcèlement. Chez les victimes, la conséquence a été la prise de conscience de la liberté de se défendre et d’agir sur la loi. Au delà du bien et du mal, ces évolutions témoignent de l’apprentissage d’une société aux chances et au limites de la liberté individuelle !
Sommaire N° 25