Editorial : La Chine, phare de la génétique céréalière ?

Près de Taiyuan (Shanxi) se cache un centre agronomique aux parcelles de blé à grain noir ou vert, long ou court, barbus ou non : sur 2,4 ha, des 100aines d’espèces sont sélectionnées par croisement conventionnel (pas d’OGM). Les ouvrières créent des hybrides en castrant le grain, refertilisé avec une autre espèce. Ce grain une fois semé, on retient dans la nouvelle génération, les caractères génétiques recherchés.

Dans ce centre, le professeur Sun Shancheng élève le 1er blé à grain noir au monde, fruit de 50 ans de recherche. « En ’66, au Guangxi où j’étais en poste », se souvient Sun, « les autorités m’ont ordonné d’abandonner : le blé noir était alors anti-socialiste, seuls intéressaient les blés rouges »…

Aujourd’hui, Sun a recréé sa céréale couleur ébène, et l’étranger est entré en scène : Limagrain (n°1 européen de la semence de blé) qui a détecté l’intérêt du projet. Le blé noir, pour un rendement de 6 t/ha, détient 50% de protéines de plus, et 3 à 5 fois plus de magnésium, phosphore ou sélénium : « sans perdre en rendement, ce blé noir réagit comme une pompe à sels minéraux », confie A. Bonjean, généticien du groupe.

Racheté à 60% dès 1998, le centre de recherche est devenue la base de recherche du blé de Limagrain en Chine. Par ses laboratoires et collections de souches, le groupe a pu étalonner et améliorer le blé noir, doublant le rendement. Tout en travaillant la teneur en gluten, Limagrain  étudie à présent pour ce produit, des applications commerciales, en coopération avec des groupes chinois et étrangers, pour créer, par ex.,  barres chocolatées ou petits déjeuners instantanés.

Dans ses cartons, le centre en JV détient aussi un blé ramifié offrant 11% de rendement de plus en zone aride. Limagrain a également racheté à l’équipe d’un professeur Cai de Pékin, le maïs Nongda ’95, espèce nouvelle, offrant la meilleure résistance aux pestes pour un rendement supérieur, qui pourrait couvrir jusqu’à 30% des surfaces nat’les en 2004.

« La Chine a une50aine de découvertes aussi prometteuses», dit Alain Bonjean, « mais cette recherche trop locale a du mal à percer, et s’ex-porte moins encore: nous apportons les chaînons manquants, de la technologie, du financement, une approche commerciale».

Cette agronomie sino-étrangère pourrait étonner le monde par sa capacité à concevoir, produire et transformer des produits nouveaux à des prix imbattables. Ex. : le blé dur (à spaghetti), devrait perdre ses subventions suite à l’élargissement de l’UE. Or la Chine fait ses pâtes avec des blés tendres. A ce défi, le marché européen devra réagir, pour survivre!

 

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