Pékin en est convaincu : cette semaine (5-11/05) sera décisive, dans la guerre contre le virus, et la lame de fond sur la Chine, a atteint son faîte. En effet, la mairie annonçait (le 2/05), depuis 12 jours, le nombre de cas nouveaux se maintient à 100/j en moyenne, sans s’envoler en courbe hyperbolique : ce qui rendrait, dit la mairie, toute nouvelle envolée improbable- « sauf en cas de nouvelle mutation« .
Grâce aux sacrifices des médecins/infirmières, la proportion des victimes reste minime par rapport à la société (3638 cas dont 170 fatals, au 2/05). Sacrés « anges en blanc » et « guerriers sans peur », les médecins reçurent au 1/5 la « médaille du travail« – ils comptent 18% des 1700 cas recensés dans Pékin en fin de semaine. L’OMS en déduit que les procédures d’asepsie hospitalière sont à réviser en Chine!
Dans sa stratégie de guerre au SRAS depuis le 18/4, l’Etat a bouleversé la vie de sa société prévenant tout rassemblement de plus de 50, interdisant dans Pékin et en toute zone à risques mariages et enterrements, championnats, danse, mais aussi sports en salle et piscine. 15.000 personnes sont en quarantaine dans Pékin, tandis que l’université médicale du Shanxi à Taiyuan (16.000 professeurs et étudiants) a été isolée. Même Zhong Nan Hai (siège du Parti communiste) ou l’école du PCC ont des cas, et des sections isolées.
Entre deux feux, les 96M de migrants ne sont bienvenus ni à la ville,ni dans les villages qui, autour de Pékin, imposent leur fermeture au moyen de milices d’autodéfense, à défaut de pouvoir compter sur un hôpital solide. Le danger, pour eux, est exacerbé par l’approche des moissons, traditionnellement avides de bras supplémentaires.
Face à la crise, la Chine a vu une 2de vague de départs d’expatriés, businessmen au chômage technique et étudiants (nippons). Nouvelle positive : après fort débat, le LFP a suivi son «frère», le lycée V. Segalen à Hong Kong, en rouvrant le 5/5, renforcé d’une cellule médicale et psychologues, 315 élèves sur 732 « rempilent », aidant à arrimer la communauté francophone de 49 nations!
Le 1er mai fut peu célébré dans un Pékin aux rues désertes, avec drapeaux rouges mais sans danses du dragon. Du jamais vu en ce pays : l’absence de beaucoup de petits métiers, bricoleurs de vélos ou coiffeurs – seuls insistaient, l’âme chevillée au corps, quelques marchands de fruits!
La TV passa une orgie de films pour aider des 100aines de M de gens à tuer le temps. Zeng Qinghong, vice Prsdt rappela l’enjeu : « de notre succès contre l’épidémie, dépendra le maintien de la réforme, de la croissance et de la stabilité ». Hu Jintao et Wen Jiabao se rendirent « sur le front »en province (Tianjin, Guangzhou) pour maintenir la mobilisation.
Invisible dans la presse, le questionnement se poursuit dans tous les esprits : d’où vient le SRAS, qui l’a tu au monde, qui savait quoi? En privé, la population exprime méfiance et mécontentement.
Détail insolite : en pleine campagne anti-SRAS,le régime trouve urgent de convoquer le Bureau Politique (28/4) -en plus de l’instance normale du Comité permanent- afin de lancer une nouvelle campagne nationale des 三 个代表 sange daibiao, « trois représentativités », l’omniprésent slogan de Jiang de 2000 à 2002, depuis lors inscrit dans la Constitution, et oublié. Les « 3R » auraient « un impact… sur le renforcement significatif de la nation » (sic) -comme un effet immunoactif sur la société en quelque sorte. Tous les cadres du PCC sont te-nus de reprendre l’étude de cette «importante théorie» et de considérer «la guerre au SRAS comme sa mise en oeuvre ». Fait notable, c’est Hu Jintao qui mène la campagne (meilleure manière de s’en protéger).
Pourquoi cette campagne anachronique? Parce que 3 faits négatifs se sont conjugués en 48h :
? le SRAS,
la mort (30/4, toujours pas annoncée le 3/05), de Zhao Ziyang à 83 ans, réformateur très aimé, en disgrâce depuis 1989
la perte d’un sous-marin de classe Ming et de 70 hommes d’équipage au large de Hainan.
En Chine, une interprétation universelle et éternelle s’impose à ce genre de phénomène : la fin du mandat du ciel -à tout le moins, pour l’homme sous le règne de qui le virus a incubé sans être inquiété. L’équipe précédente étant présente en force dans la nouvelle, Hu Jintao est contraint à la solidarité envers elle. Au risque, de se trouver incapable de se démarquer à l’avenir, afin de produire, face à l’opinion intérieure ou au monde, une alternative crédible!
Sommaire N° 15