«La Chine est totalement capable d’endiguer l’épidémie de SRAS…PCC et Gouvernement ont pris à temps une série de mesures pertinentes, avec des résultats évidents… Peuple et gouvernement chinois accueillent chaleureusement les amis touristes/businessmen du monde »…
Par ces propos lénifiants (6/4), Wen Jiabao le 1er Ministre a exprimé la volonté de minimiser la crise. Mais cette fois, à un degré peut-être jamais vu dans l’histoire moderne, cette «méthode Coué» est démentie par la base (professionnels, presse) et par l’étranger. A Pékin, le docteur Jiang Yanyong dément les « 4 morts et 19 cas» officiels, évoquant 9 morts et 149 cas, rien que sur 4 hôpitaux militaires. Avec 53 morts et 1280 cas admis, la Chine supporte 50% du bilan mondial, 75% avec Hong Kong: la fronde de l’opinion,malgré les risques personnels, est révélateur d’un sentiment d’urgence!
Un enjeu se profile: la semaine du 1/05 où, en 2002, 70M de touristes avaient dépensé 3,5MM$ (7% des recettes annuelles). L’OMS avertit le 3/04 : « Nous espérons que la Chine réalise la portée qu’aurait une telle migration, alors que l’infection n’est pas sous contrôle! » Or Pékin, à ce jour, n’a émis aucune alerte ! Cela dit, il n’est pas sûr que l’alerte soit nécessaire : les agences de voyage locales sont déjà au chômage technique. Le best-seller en librairie (100.000 ex. en quelques jours), est «le SRAS, pas si grave!», expliquant comment éviter la pneumopathie «par la sagesse, du porridge et des plats de viande». Révélant ainsi naïveté, ignorance, mais surtout l’angoisse omniprésente : « nous avons tous peur », dit sans fard un acheteur!
Pourtant, les autorités ont tenté de, et failli donner le bon signal. Li Liming, directeur du Centre national de contrôle épidémique s’est excusé (3/04) envers « tout le monde », pour la mauvaise coordination des services et leur incapacité à « fournir aux masses l’info scientifique ». Wu Yi, vice 1er min. en charge du dossier, a monté le 5/04 un « mécanisme national médical d’urgence », composé de 12 sages, destiné à « diffuser les nouvelles médicales et à émettre des alertes précoces ». Dans Pékin-même, 2500 personnes désinfectent en permanence gares, bus, métro, taxis, et un téléphone rouge anglophone médical tourne en permanence (n° 64 21 24 86).
Entre transparence et langue de bois, ces velléités contradictoires, renvoient à un vieux réflexe : «on gouverne mieux, sans discussion! ». Lei Yulan, vice gouverneur de Canton, a déclaré début avril : « en jouant la transparence, HK n’a fait qu’ajouter la panique à l’impuissance ». HK, depuis, paie au prix fort la présence de l’épidémie, ayant annulé 22% de ses vols, vu 140.000 départs en 25 jours et perdu 50% de son commerce, notamment de luxe. Mais la Chine ne risque pas moins, vu l’inquiétude et la méfiance croissantes de l’étranger, et de l’opinion. Le décès à Pékin (6/4) d’un Finlandais de passage, Pekka Aro a fait coup de tonnerre : depuis lors, a été fermé «jusqu’au 5/5». Depuis, dans le sens Pékin-Paris, les avions d’Air France sont pleins. Seul, JP. Raffarin maintient sa visite en Chine (23-24/04), au nom de la « responsabilité » et de l’ «amitié» (T. Blair et D. Cheney ont renoncé). Mais les 100 patrons de sa suite, doivent reporter.
Au plan des affaires, comme à celui des liens mondiaux,la Chine s’apprête à subir des pertes considérables: «au strict minimum», estime Allianz Dresdner Asset Management, « la réponse intolérablement lente des autorités chinoises à l’épidémie va encourager les firmes à repenser la diversification de leur dépendance envers un fournisseur unique »…
Microsoft s’avère un des plus rapides, préparant le redéploiement de la production de ses consoles X-box, de Canton vers le Mexique.
La Chine risque peut-être ici, rien moins que son rang privilégié pour l’accueil des IDE, conséquence d’une perte de son image de solidité. Prix à payer pour l’absence de réforme politique. Si le ministère de la Santé parvient mal à coopérer avec l’OMS, c’est que les pouvoirs sont régionalement compartimentés, et que toute décision empiétant sur les droits locaux, doit faire l’objet d’entremises byzantines, empêchant toute gestion d’urgence. Or, la malchance veut que la plus grande crise du régime depuis juin 1989 tombe sur la jeune équipe de Hu Jintao, qui ne dispose pas encore d’un réseau ramifié d’alliés : elle est forcément prise de court!
Enfin, avec une bonne politique d’info, ce virus qui effraie plus par sa nouveauté que par son pouvoir meurtrier et infectant, n’aurait pas tant ému, et en faisant dès le départ appel au monde, Pékin aurait reçu l’aide enthousiaste des meilleures équipes de recherche médicale. Tout ceci laissant, en fin de compte, l’impression d’un dossier mal géré!
Sommaire N° 12