« Nous appelons fortement à l’arrêt immédiat de la campagne militaire et le retour à une solution négociée! » – ce message du porte-parole Kong Quan (20/3) après le lancement de l’offensive US contre l’Irak), faisait écho à la plupart des opinions, d’intellectuels comme de l’homme de la rue, foncièrement pacifiste et non-interventionniste.
Le 18/3, une heure après l’ultimatum de George Bush à Saddam Hussein, le nouveau 1er ministre Wen Jiabao s’était montré pris de court, à l’occasion de sa 1ère apparition publique: « nous insistons pour que le conflit irakien trouve un règlement pacifique, dans le cadre de l’ONU, et de la résolution 1441…”, déclarait-il aux 1000 journalistes présents, refusant ainsi implicitement d’admettre l’inéluctabilité du conflit, et l’impératif de dégager une nouvelle ligne de conduite—c’est trop tôt, et les urgences de la Chine, en tout état de cause, sont d’ordre intérieur!
A travers le pays, par téléphone et sur internet cependant, l’opinion allait bon train. Deux heures après l’explosion des 40 premiers missiles sur Bagdad, ce chercheur dans un centre d’études politiques nous déclarait : « Ce conflit est irrationnel et sans fondement… Bush est myope… Son pays va gagner la guerre, mais pas la paix. Ce qui nous attend, est une recrudescence d’actes
terroristes, et de représailles anti-US. Pour autant, nous n’apprécions pas plus Saddam que Bush : pour nous, il est l’homme ayant causé deux désastreux conflits régionaux, contre l’Iran puis contre le Koweit !».
Sur la suite des opérations, tandis que Bush, dans sa déclaration de guerre télévisée, annonçait un conflit “peut-être plus long que prévu”, un professeur de droit nous déclarait : «Nous allons observer de près cette guerre… S’il s’agit d’un conflit-éclair, la Chine se bornera à réclamer le départ des vainqueurs, pour laisser les irakiens s’organiser à leur guise. Si l’engagement s’éternise et fait de nombreuses victimes civiles, on risque de voir, dans les grandes villes ch-noises, des manifestations anti-US ! ». Pour prévenir ce genre d’incident, dès jeudi matin à Pékin, les gardes aux résidences et sites diplomatiques étaient triplées – et les écoles internationales fermées!
Signe des temps nouveaux de Hu Jintao: les média semblent libres. CCTV1 diffusa un programme «life » sur le conflit, reprenant CNN (troupes dans le désert, porte-avions, missiles…), assorties de commentaires d’experts, stratèges, politologues, et des envoyés spéciaux à Bagdad et dans le monde.
Enfin, on sent à Pékin une sourde inquiétude sur l’attitude de la Corée/Nord : affamé, déstabilisé, ce régime voit devant lui les forces US les plus faibles depuis les années 1950. Saura-t-il résister au mirage de se lancer dans une « sortie » désespérée? Tentation aiguisée par la conscience de Pyongyang qu’une fois réglé le « cas » irakien, ce sera à son propre tour !
Sommaire N° 10