La date du 16e Congrès du PCC a été fixée (25/8) au 8 novembre 2000, 2 mois plus tard que les 1ères annonces: signe que le conclave secret de Beidaihe (30/7-13/8) n’a pas trouvé d’entente sur la succession de Jiang Zemin, Président de la RPC, Secrétaire Général du PCC et Président de la Commission Militaire (CMC).
L’accord fut impossible, suite au refus de Jiang de se porter candidat à un 3ème mandat de Secrétaire Général, poste dévolu dès 1989 au “jeune” (62 ans) Hu Jintao par Deng Xiaoping en personne – selon le scénario établi de longue date, Hu devait reprendre tous les mandats de Jiang Zemin.
Refus tactique: depuis avril, l’artillerie lourde, tonne (médias, APL, dauphins tel Zeng Qinghong, ministres), priant Jiang de rester au nom de l’inexpérience de Hu. Quoique grand perdant à un maintien de Jiang, Hu hurle avec les jeunes loups, afin d’éviter une disgrâce de dernière minute. Un recueil de morceaux choisis de Jiang (1989-2002) vient d’être publié (28 /8). Jiang atteindra son zénith historique, qq jours avant le Congrès : au sommet de l’APEC (15/10), au ranch texan de Georges Bush (25/10) le 1er personnage de Chine a hésité à solliciter ce mandat en violation d’ une règle tacite de la retraite à 70 ans: craignant de manquer de voix parmi la 60aine de dignitaires présents à Beidaihe, voire parmi les 7 membres du Comité Permanent, organe suprême.
C’est que hors du conclave, sous-tendues par le fossé grandissant des richesses, deux oppositions à Jiang, et à sa théorie des 3 Représentativités clivent chaque jour plus profond, un PCC désabusé et sourd aux lancinants appels à l’unité :
1. hier irréconciliables, les ailes libérale et gauchiste font la même dénonciation de l’inégalité des chances devant la production avancée et la xin dongli , nouvelle dynamique (concepts centraux du prochain rapport de Jiang au 16e Congrès). Des hommes tel Zhao Ziyang rompent 12 ans de silence pour attaquer le «style dictatorial», et son ex-aide Bao Tong dénonce le Parti «des riches (patrons), des nobles (cadres) et des puissants (leaders)». Proche de Song Ping, vieux conservateur, une lettre ouverte fait écho, parlant du «Parti des 0,3%». Fin juin, une manif fut éventée, de vétérans prétendant brûler leur carte du PC place Tian An Men le 1er juillet (anniv. du PCC), pour barrer l’entrée imminente des capitalistes au CC. Cette opposition en soi, ne pèse pas lourd, les 2 ailes étant marginalisées, affaiblies par 12 ans de pression.
2. Plus grave est l’opposition de la majorité silencieuse,dans le Parti et en dehors, en longue attente d’un ballon d’oxygène politique et social – celui, octroyé par Deng en 1978, du droit à s’enrichir, est épuisé.
Pour ces professionnels modérés,un maintien de Jiang compromettrait la réforme promise de l’appareil, la cure de jouvence du sommet (seuls, 3 membres neufs entreraient au Comité Permanent qui en compte 7), et le concept de leadership de 4ème génération avec Hu Jintao en son centre. Serait remise en cause «la 1ère transition planifiée d’ un Etat marxiste vers l’âge moderne, combinant légalité et ouverture au monde ».
La division est donc aux portes, même si certains croient lire dans l’annonce d’une date au Congrès, la preuve qu’un accord existe sur la composition de l’équipe future. Ce risque est accentué par la longue attente qui débute : les 2 mois entre les congés de l’été et le RV du 8/11 peuvent servir de forum populaire pour toutes les tendances, commentant à chaud tout incident. Pour prévenir le dérapage, le régime renforce la censure, avec 32 questions interdites à la presse («à 70 ans, peut-on encore gouverner? ; l’entrée des riches au PCC ; la privatisation ; les nouvelles classes définies par le PCC). Les arrestations préventives se multiplient -activistes du SIDA, dissidents conventionnels-, et la police de l’internet ne chôme pas.
En contrepoint de ce déploiement d’autorité, des progrès forts mais encore mal perçus sont présentés: élections de quartier promises dans Pékin, scrutin en cours des Secrétaire du Parti au village (20.000 depuis 1999), 1er règlement transparent pour le recrutement des cadres…
Mais finalement, la rumeur la plus folle sort du point le plus inattendu de l’échiquier: Jiang ne voudrait pas vraiment se boulonner à son siège, mais simplement entrer au Panthéon socialiste en faisant graver en lettres d’or «ses» Trois Représentativités dans la charte du Parti : tout le reste ne serait que jetons de négociation… Si tel était le cas, Jiang prouverait sa supériorité sur ses prédécesseurs, en au moins un domaine -celui de brouiller les cartes, jusqu’au bout !
Sommaire N° 28