· Résultat probable de déforestation de la Chine et la Sibérie, le dérèglement climatique poursuit son cours sur l’Asie du Nord.
Après 3 mois trop chauds (cf VDLC No13), avril est le temps des tempêtes de sable, étouffant Pékin, contraignant des villes comme Changchun (Jilin) ou Séoul à des fermetures des aéroports, et les hôpitaux à admettre des centaines de milliers de malades des voies respiratoires. La température a baissé de 30°C à des minima de 7°C. Pareilles tempêtes, avec des concentrations de 2070 microgrammes /m3 (la côte d’alerte est à 1000mgr/m3) n’ont plus été vues en 15 ans. Très visibles par satellites, ces sphères sableuses de centaines de km de diamètre voyagent jusqu’à 11000km, à Portland (Oregon), et peuvent s’alterner au brouillard et à la pluie, causant (16/4) causent le crash d’un B.767 d’Air China en approche de Pusan, Corée /sud (120 morts, 39 survivants).
Au Sud, des trombes d’eau apparaissent –Baozhong (Sichuan) subit 2,8M$ de dégâts. Ce n’est qu’un début: comme en 1998, année de crues célèbres, un hiver et un printemps anormalement doux ont fait fondre prématurément les neiges du Tibet, qui cherchent leur chemin vers les grands cours. Les conséquences sur l’économie sont également nettes : absentéisme dans les usines comme dans les magasins les écoles ou le tourisme : sous la tempête, la Chine du nord tourne au ralenti. Consciente de ses risques(7/04), la Chine vient d’investir 964M$ sur son 1er programme météo (2001-2010), afin de dessiner et produire satellites et radars avancés à Doppler digital, destinés à faire face au réchauffement de la planète. But: intégrer le facteur météo dans la recherche en différents secteurs tels agronomie, conservation de l’eau ou transports, face au phénomène, et la prédiction à long terme des extrêmes climatiques en Chine.
· La session annuelle « Chine » de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève (10/04), fut exceptionnellement brève : en l’absence des US, éliminés de cette instance en automne 2001, il ne se trouva aucun pays pour soumettre l’inscription du pays à l’agenda des travaux. Le même jour, Amnesty International publiait son rapport annuel, selon lequel la Chine mènerait sur son territoire, davantage d’exécutions (1781 en 4 mois) que le reste du monde confondu. La Chine a rejeté ces accusations comme «infondées», et salué l’absence de dépôt de résolution critique contre elle, comme preuve de la reconnaissance croissante d’un respect chinois des droits de l’homme.
· Le nombre de séropositifs en Chine vient encore d’exploser, selon le dernier rapport présenté par le Directeur du Département d’épidémiologie du Ministre de la santé. Au 31 décembre, les porteurs du virus recensés étaient 30736, dont 1595 sidéens. Chiffres très bas mais notoirement faux. Les estimations du ministère sur la portée du fléau, sont passées de 600 000 à 850 000, soit un taux de progression de 40%. La Chine aurait déjà eu 200 000 sidéens dont la moitié décédés. Le Sida demeurerait transmis, à 70%, par le partage d’aiguilles entre héroïnomanes, surtout entre jeunes hommes, dans l’Ouest (Yunnan, Xinjiang, Guangxi, Sichuan), mais aussi au Centre (Anhui, Henan), au sud (Guangdong), et -c’est nouveau – dans Pékin et Shanghai. Le dernier rapport n’admet toujours pas l’existence d’un scandale du sang contaminé dans le Henan qui, de source médicale locale, causait dès l’an passé un M de cas.
· au pied des plages immaculées de l’île tropicale de Hainan, les 12-13/04, le Bo’ao Forum for Asia, a tenu la seconde session de son histoire, une semaine avant le WEF, pas par hasard : cette initiative «privée» répondant à la demande de la Chine, voire de nombreux pays riverains, de se retrouver «en famille asiatique », entre chevaliers d’industrie et leurs ministres, affranchi des influences occidentales. Ce sommet de plus de 2000 participants de 48 pays n’avait rien laissé au hasard pour s’imposer d’emblée dans la cour des grands, ayant rassemblé quatre premiers ministres « poids lourds » (Zhu Rongji, le nippon Koizumi, le coréen Lee Handong et le thaï Thaksin Shinawatra), et de prestigieux sponsors comme Goldman Sachs, Siemens, CNN ou Audi. Ce sommet présenta simultanément ses immenses ambitions, et la longue marche devant lui pour parvenir à maturité: l’ambiance fut parfois tendue, du fait d’une maîtrise défectueuse des travaux – retards dans l’horaire, modérateurs et interprètes absents, pannes de micro… Ces difficultés furent aiguisées par une maladresse de la puissance invitante, qui accapara: le Président malais de l’an passé, diplomate respecté, avait été remplacé sans concertation par un cadre de la RPC qui revendiqua pour la conférence deux langues officielles : anglais ET mandarin (que personne parmi les 47 autres pays, ne parle). Zhu Rongji sauva la situation en s’excusant pour les déficiences et en réitérant le fait que ce Forum « appartenait à tous ». Couacs mis à part, le Forum de Bo’ao a permis de retrouver le meilleur esprit de ce genre de grande messe économique : s’affranchir des poncifs compassés de ses rivaux, pour émettre des grandes idées d’avenir. Koizumi osa brandir un thème mal vu en Asie jusqu’alors, l’exemple de l’Union Européenne, et ses 50 ans d’effort, pour atteindre une intégration économique, tout en interpellant : « pouvons-nous exiger moins pour notre région » ? Koizumi voit les disparités de l’Asie mais aussi les besoins qui la rassemblent, notamment l’énergie (pour une coopération permettant de limiter la dépendance au Moyen Orient), la finance et les monnaies (avec l’initiative de Chiangmai pour une protection commune contre la spéculation internationale, qui fit plier les genoux à la plupart des devises asiatiques en 1997), et le commerce et les investissements, (avec un projet de zone de libre échange, entre ces pays dont le commerce avec la Chine atteint aujourd’hui 288MM$). Ce qui frappa le plus, durant ce forum : l’apparition d’un tandem sino-japonais – seule force susceptible de dégager une cohésion et une direction à cette Asie en quête d’avenir. Koizumi avait «fait une fleur» à Pékin en acceptant de venir à ce sommet encore en manque d’audience. Plusieurs fois, Zhu Rongji et lui-même notèrent « l’amitié » entre les deux pays – ce qui n’allait pas de soi. Moment fondateur, et dans tous les esprits, un modèle règne, en filigrane : celui de l’UE, et de sa « locomotive » franco-allemande !
· En ce printemps 2002, anniversaire des 30 ans de relations diplomatiques sino-japonaises, les deux pays vivent un tournant qualitatif dans leurs rapports -moins dicté par le sentiment, que par les réalités d’affaires. Attiré par les 7 à 8% de taux de croissance chinois, et découragé par sa stagnation depuis 10 ans, l’establishment nippon industriel (Minolta, Matsushita, Sony, Hitachi, Toshiba) – mais aussi financier (Mizuho) abandonne sa stratégie du «Vol d’oies sauvages» des années ’90 vers le Continent, et s’apprête à y déplacer des parts de son outil pour s’y ancrer à long terme. Symptomatiquement, ce lobby réclame à présent de leur gouvernement le même démarchage, qu’assurent à leurs groupes les pays de l’UE, et les US : c’est un -dur- virage psychologique à négocier!
Les chiffres ne trompent pas : sourd aux heurts politiques, le commerce bilatéral a progressé à 89,1MM$ en 2001, faisant du Soleil Levant le premier partenaire de l’Empire du Milieu. Entre avril et décembre 2001, les investissements japonais, à 771M$, ont doublé – très loin derrière le record de 1995, à 4,5MM$, mais belle reprise. Matsushita par ex., a 41 usines chinoises. En Chine, deux villes sont en pointe dans l’effort d’attirer les ca-pitaux du Japon, et y ont lancé en 2002 des missions : Wuxi (Jiangsu) et Dalian (Liaoning).
Dans les gouvernements aussi, on plante doucement les clous du décor de détente : Junichiro Koizumi, le 1er ministre japonais, présent au Forum de Bo’ao (Hainan, 12-13/4 ), et Li Peng, le Président de l’ANP en visite au Japon les 6-7/4, alternent paroles de paix et appels à la coopération.
Dans ce tableau, les vieilles querelles demeurent, abcès qui tardent à disparaître. Tokyo s’inquiète de la longue shopping list d’armements de l’APL (VDLC N°11), Ichiro Ozawa (Parti Libéral) évoque (06/4) les moyens nippons de se doter de l’arme nucléaire. Le 09/4, le Min. de l’Education japonais autorise un livre d’histoire révisionniste, occultant les massacres japonais en Chine de 1937-1945… Donnant chaque fois des émotions aux hauts cadres chinois, qui se gardent pour autant de tomber dans le panneau des provocations- les chameaux aboient, la caravane passe!
Sommaire N° 14