· Chercheur réputé de l’Institut de recherche en médecine traditionnelle, à Haidian (Pékin) Liu Yingquan a tout perdu : emploi, honneur et liberté, venant d’être (24 octobre 2001) condamné à mort pour production et trafic de drogue. Liu a quelque chose d’un héros dostoïovskien, faible, plein d’émotions, payant une faute morale un prix ex-orbitant. La drogue qu’il a produite est la méthadone, ersatz chimique de l’héroïne, interdite en Chine. Chimiste de talent, responsable d’un programme d’aide au sevrage de drogues, Liu avait recomposé la molécule de cet opiacé de synthèse, qu’il fabriquait et vendait avec l’aide d’une complice. En deux ans, dans Haidian, il en avait écoulé 70.000 pilules. Liu a quitté le droit chemin, sous le feu croisé de deux maux du siècle : l’entretien d’une bao’ernai (amante) et le «syndrome des 59 ans», moment de la retraite imminente, synonyme de perte du train de vie. Vaincu par sa passion, il dut acheter un second appartement, et financer la vie (dispendieuse) de Melle Zhang. A peine arrêté, Liu s’effondra dans sa cellule : "en tant qu’homme, comment ai-je pu trahir ma femme et mes deux filles, et devenir (jian xiao da fang) la risée de mes collègues"…Compatissant in petto, le juge ne pouvait toutefois pas pardonner le volume du méfait, et moins encore l’usage d’un laboratoire d’Etat pour un trafic de stup’… La peine a été assortie d’un sursis, la convertissant en perpétuité, mais le chimiste fait appel, pour l’honneur -puisque la méthadone, un « médicament », à son avis, est employée dans les programmes européens de cure de l’héroïne !
Sommaire N° 36