Comme s’en plaignaient bien des membres des 21 délégations, le sommet de l’APEC (Shanghai, 20/21 octobre 2001) semble avoir été lui aussi détourné par Ben Laden. L’anti-terrorisme y a supplanté la coopé économique. Les bilatérales (Bush-Jiang, Bush-Poutine, Bush-Koizumi) se sont succédées, évinçant la plénière, tandis que le monde se passionnait pour la nouvelle offensive terrestre (dévoilée par Bush) en terre afghane…
Les débuts de l’APEC suscitaient l’espoir d’un changement d’attitude, pour ce forum des riverains du Pacifique – plus d’action, moins de discours faire-valoir.
Bush se targuait d’avoir obtenu accord et soutien de tout le monde.
Mais bientôt, il devenait clair que ce soutien n’était nullement massif ni inconditionnel : le communiqué final condamnait le terrorisme à travers le monde (sans le nommer), mais ne soutenait pas l’action militaire en Afghanistan (face au refus de l’Indonésie et de la Malaisie musulmane, voire de Singapour anti-US). Idem, les mentions à la lutte contre le blanchiment d’argent (instrument du terrorisme), et à la protection des routes de l’or noir, sont restées vagues. Russe et chinois ont soutenu cette action militaire des USA, mais en insistant pour qu’elle s’achève vite. Enfin, ce soutien a eu son prix: Taiwan fut contraint à quitter le sommet pour des raisons de procédures, Washington laissa faire !
Une autre caractéristique de ce sommet, fut le stress permanent de la sécurité. Dès vendredi, il était question de « couper court » : de fait, la plénière débutait le samedi à 15h20, perdant une matinée de débats. Il était question de onze intégristes de l’organisation Al Qaeda en cavale en Chine – justifiant les peurs de Pékin et cet ordre de fer.
Au plan interne chinois, ce sommet est celui de Jiang Zemin, seul poids lourd du Parti parmi ses hôtes, en l’absence remarquée de Zhu Rongji. Consécration non dénuée de risque: ce sommet enregistre le déclin du «club de Shanghai», pacte de sécurité entre Chine, Russie et les 5 pays d’Asie centrale. Avec l’Ouzbékistan ouvert à l’armée US et le Pakistan coopérant avec l’alliance, ce sont des ans d’efforts diplomatiques chinois qui disparaissent, en échange de la vive reconnaissance de G.Bush: encore ce prix doit-il être accepté par l’appareil! Enfin, l’APEC, au plan des stratégies de sécurité, apporte une leçon: un Shanghai bouclé et vide ne tire aucun profit de cette « grande messe » mondiale. «Il faudra trouver autre chose », dit Pékin, pensant à son propre grand RV de 2008 !
Sommaire N° 34