Editorial : Drogue : Le réveil du dragon noir

Lucidement, la Chine publie pour la Journée Internationale de la lutte anti-drogue (26/6) des chiffres suggérant le seuil d’une épidémie. En 10 ans, les toxicomanes ont quadruplé (680.000) – mais leur nombre réel est au moins 10 fois supérieur. Les saisies ont crû de 33% en 1999, à 5,3t d’héroïne (70% de la consommation, à l’origine de 70% des cas de SIDA), et à 16t d’ice (x10 en un an).

A Shanghai, la drogue est devenue le délit n°3…

Pourtant, la volonté du régime (qui s’enorgueillissait d’avoir éradiqué le fléau en 1949) est très claire. Il suffit de voir à l’oeuvre les patrouilles lourdement armées sur la route de Ruili (Yunnan, frontière birmane), ou encore les dizaines d’exécutions des derniers jours…

De même, la Chine coopère depuis des décennies avec l’Ouest : en 1999, 344000 drogués ont été désintoxiqués dans 746 centres, grâce à ses techniques. Des villes-clés comme Kunming (Yunnan) ou Baotou (Mongolie) ont créé des centaines de groupes de base parmi leur population, ouvert des « quartiers libérés« … Hormis ces cas isolés, en 2000, le fléau progresse à pas de géant.

Que se passe-t-il ? Des phénomènes complexes sont à l’oeuvre, qui ont pris la Chine hors de ses gardes :

– l’appauvrissement de régions comme le Nord-Est, frappées par la fermeture des industries d’Etat : des M d’employés au chômage, sans avenir, font le « gibier » de la drogue et de la prostitution;

– La route Birmanie/Etats-Unis du rêve synthétique, passe par la Chine : les places fortes du deal s’y trouvent : Yunnan, Xinjiang, Qinghai…

– La lutte, en Chine, mêle trop souvent à la répression des stupéfiants des thèmes idéologiques, anti-impérialistes, déconcentrant les efforts.

– Dépassées, manquant de moyens comme de volontarisme, et obsédées par leur image, les provinces déforment les directives du niveau central, et le sous-informent sur les progrès réels, fulgurants du fléau.

Fer de lance de la lutte à l’Ouest, une solution consisterait à introduire, parallèlement à la répression, des formes de dialogue et de partenariat avec les toxicomanes. On en est encore loin, quoique, comme dans le cas du SIDA, le temps presse!

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