Avant son départ (13/06) pour Pyongang, Kim Dae-jung, le Président de Corée du Sud avait solennellement remis les pouvoirs à son 1er Ministre – signe ostentatoire de l’aventure qu’il assumait.
A son arrivée, il était accueilli par une parade militaire furieuse et impeccable autour de Kim Jong-il, son homologue qui s’avérait pour l’occasion, moins austère et menaçant que jovial et bedonnant. En route vers la ville, 600.000 citoyens, fleurs de papier en main, hurlaient leur fidélité au « cher leader« .
A la télévision, la visite de Dae-jung avait été annoncée comme « à sa demande » : l’adversaire sudiste arrivait, implorant, dans un pays uni autour de son leader et de sa Juche, le marxisme au cru local!
Ce tableau falsifié à la mode stalinienne, avec l’accord tacite de Séoul, était nécessaire pour satisfaire la fierté nationale : la condition pour donner aux damnés le courage d’un regard au delà du mur de leur enfer. Ainsi, Kim Jong-il a pu signer (14/06) un pacte en quatre points non publié, aux mesures plus symboliques que réelles, mais qui change toutes les données entre ces régimes techniquement toujours en guerre :
1. tensions : échanges de téléphones rouges entre leaders, de quasi ambassades (?), de procédures en cas de crise aiguë; libération (au 15/08, date de la libération de l’invasion nippone) d’espions des deux camps;
2. réunification : mesures symboliques, telle une équipe « réunie » aux championnats du monde de ping pong, bannière unique aux JO de Sydney;
3. familles : quelques visas des deux bords, au 15/08; NB : 7 M de vieillards sont séparés. Comme hier la RDA, Pyongyang pourrait laisser partir les siens « refaire leur vie » (à charge de la Corée du Sud);
4. économie : incitations aux firmes du sud à investir au Nord, aide spéciale, à voter au Parlement à Séoul, de 450MUSD, livraison d’urgence de 200.000t d’engrais avant les prochaines semailles.
Et la Chine, dans tout cela?
Elle « applaudit et soutient » ce qui, sans son entremise aussi discrète qu’efficace, n’aurait pas vu le jour.
Le Président Jiang Zemin, en mai, a reçu Kim Jong-il (cf VdlC n°19/V) – sa première visite étrangère en 17 ans.
De cette réconciliation historique, Pékin a plus à gagner qu’à perdre.
A court terme disparaîtra la tension, raison n°1 des Etats-Unis, pour déployer leur parapluie spatial anti-missiles TMD (Theater Missile Defense) au-dessus du Japon, de la Corée du Sud et de Taiwan.
La paix coréenne sera aussi l’occasion d’une renaissance pour le Nord-Est chinois, aujourd’hui ruiné par la restructuration des Entreprises d’Etat, où le désordre gronde, aggravé par les coupures d’eau de la sécheresse. En 1999, deux villes frontières,
Changbai (Jilin) et Kuandian (Liaoning), échangeaient avec Pyongyang pour 5,1 et 2,5 MUSD : une misère, au vu des besoins, et de l’offre potentielle! Dès à présent, un programme chinois est en route pour revigorer agriculture, petite industrie privée et commerce à toutes les frontières de l’empire, y compris celle de Corée, afin de tirer l’effet maximal de la reprise des affaires, sensible dans toute la région asiatique.
Face à ces graines qui se sèment, les risques d’une paix coréenne définitive, sont mineurs et surtout idéologiques. Pékin n’exprime plus sa crainte des années 1990, de voir une « grande » Corée puissante et arrogante, utiliser ses capitaux et la minorité coréenne de Chine pour pénétrer sauvagement l’économie de son voisin.
Par contre, la Chine exprime haut et fort son souci présent, de voir ce modèle de réunification nationale si bien réussir, que le monde lui suggère de l’adopter vis-à-vis de Taiwan. Avec l’île nationaliste, réconciliation, oui. Mais dans l’égalité, pas pour l’instant!
Sommaire N° 21