Le World Economic Forum était de retour à Pékin (16-18/4), avec son univers éphémère de sociétés "angels", "start-ups", de célébrités (haut fonctionnaire affable, économiste imberbe, star de la pop music), de traducteurs stressés et solliciteurs empressés, tous serrés dans les couloirs du China World Hotel, cartes de visite en main.
Le cru ‘2000 pourtant, s’est révélé différent: un ministre a honoré le Colloque de sa présence -les autres se sont réservés pour Shanghai et les Forums américains, depuis peu sur le marché: le Président Jiang était au Sommet «Fortune» de Forbes, (sept. 1999), la moitié du Conseil d’Etat sera à l’ «Asia Society» de Dow Jones à Pudong (10-12 mai). Évolution qui suggère deux forces en branle : celle de sponsors US (Exxon, Ford…) résolus à s’imposer sur ce terrain (et à y mettre le prix) face au rival européen, et le jaillissement de Shanghai comme la capitale des affaires, face à Pékin l’administrative.
Est-ce à dire que serré de près par la concurrence, ce WEF’2000 a été moins riche en échanges que ceux d’avant? C’est tout le contraire qui s’est passé: abandonné par les «poids lourds», le terrain a été occupé par les chefs de cabinet et par la base industrielle chinoise, tel ce chef de «Start», dot-com du Sichuan, ou ce directeur d’une usine de freins moteurs électriques de Pingyao (Shanxi). Moins exposée au feu des caméras, et avec pour orateurs ses véritables acteurs du terrain, l’économie chinoise a pu se livrer à des échanges pragmatiques, permettant une riche moisson d’informations.
Ainsi, l’on apprend que ces firmes « B2B » de commerce internet qui s’ouvrent en Chine au rythme de deux par jour, sont presque toutes importées, conçues et financées des USA par des gens venus des mêmes écoles (Harvard, MIT),qui n’ont souvent qu’une lointaine idée du fonctionnement du terrain chinois. Avec des produits sans marché chinois démontré, ils forment une «bulle» dont l’éclatement est déjà visible au Nasdaq (NY). Idem, on découvre la stratégie commerciale d’Unilever, multinationale présente depuis plus de 100 ans en Chine, qui choisit d’occulter son nom en ce pays, au profit de ceux de ses produits «plus chinois que chinois», et de former à étapes forcées son futur encadrement local: tout cela pour se faire accepter d’un grand public qui, en temps de crise, veut à 82% «acheter chinois».
On apprend encore du min. Xiang Huaicheng, que si l’État ne perçoit en impôts et taxes, en 1999, que 13% du PNB, son budget est complété, en cours d’année, par une tranche de 308 MM USD, suivi d’une 3ième (100MMUSD) alimentée par 19 «fonds à thème" -comme celui des taxes d’aéroport. En fait donc, avec toutes ces caisses grises ou noires, le gouvernement tourne avec 20% du PNB – loin des 35 à 50% pratiqués à l’Ouest… Mais la Chine progresse : au 1er trim.’2000, ses recettes, à 34,7MMUSD, augmentaient de 24%.
Par ailleurs, la presse annonce une forte mesure, afin de soutenir les besoins en hausse exponentielle de la Sécurité Sociale, malgré les défauts de paiement des charges patronales publiques. L’Etat qui possède 68% des parts de toute Entreprise d’Etat en Bourse chinoise, en céderait 17% (de manière à conserver 51%), pour en obtenir 200MMUSD d’argent frais et faire face aux "1ers besoins". Une seconde tranche serait "inévitable", ramenant la part de l’État de 51 à 30% (minorité de blocage). Niveau suffisant pour éviter, en théorie, le passage au privé des secteurs «piliers stratégiques» – mais par le jeu des reconcentrations privées et du marché secondaire, le passage sous pavillon privé de grands groupes d’État, n’est plus une utopie
Sommaire N° 14