Aux présidentielles taiwanaises (18/3), la victoire imprévue de Chen Shui-bian, l’homme de l’ opposition indépendantiste DPP, bouleverse l’échiquier politique insulaire, et sans doute, les fondements de la politique taiwanaise de Pékin.
Au Kuo Min Tang, assiégé par les déçus, Lee Teng-hui le Président sortant, abandonne (24/3) son autre mandat de Président du Parti. Lee Teng-hui et Chen Shui-bian sur la scène politique insulaire, étaient de la minorité de politiciens insulaires (min-nan), parmi la masse des continentaux débarqués en ’49 dans la suite de Chiang Kai-check. On découvre qu’entre ’96 et ’98,ces deux « adversaires » ont souvent déjeuné en tête à tête.
D’où la question que tous se posent, envers Lee : où allait sa fidélité – à Taiwan, ou au KMT?
En pleine débâcle, le KMT débute sa longue marche, sous la peu plausible houlette du perdant Lien Chan, mais surtout de Ma Ying-jeou, le brillant jeune maire de Taibei (poste dont il a évincé Chen en 1998, de haute lutte). Le KMT ne pèse plus que 23% des voix, il est déconsidéré (trop notoirement corrompu).
Il lui reste son trésor de guerre (7MM USD), et la majorité au Yuan Législatif (Parlement)- lui donnant les moyens théoriques de faire chuter le cabinet, mais au risque (qu’il ne peut se permettre!) que Chen Shui-bian ne convoque des législatives anticipées. C’est donc une situation inédite qui s’initie dans cette ré-gion du monde, encore totalitaire il y a 10 ans: la cohabitation!
La moitié du KMT pourrait se rallier sous la bannière de James Soong Chu-yu, excellent second aux élections, dans son Nouveau parti populaire taiwanais, d’affaires, pro-réunification, avec une forte base rurale mais aussi la majorité des voix dans la capitale.
Le PCC demeure sur une glaciale réserve.
Selon ce bruit, aucun geste ne devrait sortir, avant le 20 mai, date de l’adoubement de Chen. Au-delà, Pékin pourrait imposer à Taibei une date limite de retour. Pékin, apparemment certain que Chen n’acceptera pas son principe d’ « une seule Chine » estimerait qu’il n’a pas de temps à perdre. De cette stratégie, Pékin espère un triple avantage:
[1] faire monter la tension, y-compris sur les alliés de Taiwan pour les dissocier,
[2] galvaniser la Chine sur ce thème patriotique, allégeant ainsi les problèmes intérieurs;
[3] miner le potentiel de développement de l’île, par une isolation, plutôt qu’une trop dangereuse invasion.
NB: un hebdomadaire de l’APL qui venait d’ enfreindre la consigne de silence, publiant un plan d’attaque (200.000 chalutiers et 2M hommes à bord, bombes à neutron, lasers anti-missiles) a été suspendu pour 2 semaines.
Pendant ce temps, Chen Shui-bian tente de monter son gouvernement de coalition, avec comme 1er Ministre, le prof. Lee Yuan-tseh, prix Nobel. Il invite Pékin à sa cérémonie d’intronisation, tandis que le Parlement pro-pose des liaisons directes avec trois petites îles (Quemoy, Matsu, Penghu)…
Sur le fond (1):
le principe de yi guo liang zhi (1 pays, 2 systèmes) perd du terrain, du fait de la diversification de l’échiquier politique dans l’île (le Président n’y fera plus ce qu’il veut, comme hier Lee Teng-hui), et du retrait de l’armée comme force politique.
Sur le fond (2):
le message de la victoire de Chen a été reçu 5/5 en Chine, par le »Parti de la Démocratie » (dissident): « ce que les Chi-nois de Taiwan peuvent faire, ceux du Continent le peuvent aussi… C’est la 2de fois en 5000 ans que des chinois élisent leur leader (la 1ère= en 1996 avec Lee Teng-hui, ndlr) … Preuve d’une démocratisation irréversible et modèle ouvert à la Chine, qui a avec Taiwan une communauté de destin ». En clair: la réunification passe par la réforme politique, (dixit Ren Wangding, leader du PD, ndlr) basée sur l’exemple du DPP taiwanais!
Sommaire N° 10