Le Vent de la Chine Numéro 42
Au soir de 1999, deux tendances éclairent les lignes de forces qui attendent la Chine le siècle prochain :
[1] maintien de la croissance industrielle, +7,6% en novembre (23MMUSD), et +9% à l’industrie légère pour 1999.
En octobre, les exports textiles ont fusé : +42% (3,11MMUSD). Ces bons chiffres traduisant les efforts de relance de l’Etat (investissements d’infrastructures, crédit intérieur, crédit-export).
D’autres secteurs se préparent à un succès plus brillant encore : l’ordinateur (cf p.2, Legend), l’automobile (tous les groupes étrangers annoncent un doublement de leur production ou de leurs investissements et une diversification de leurs gammes), les télécoms (gros contrats pour Motorola, Lucent, commandés par Unicom, client inattendu vu ses récentes difficultés juridiques et boursières)…
[2] Cependant, au fond, la Chine aborde l’an 2000 dans un climat de recul d’investissement, signe de méfiance des grands acteurs (en dépit des appels de l’Etat), vis à vis du marché. La Banque mondiale, 1er bailleur de fonds extérieur (3MMUSD /an), veut couper d’un tiers ses prêts sous 3 ans (peut-être aussi, suite à un projet très contesté dans le Qinghai).
De janvier à octobre, les investissements industriels ont baissé de 4,3%, à 53,2MM USD. Le charbon (qui a perdu 430000 mineurs) a coupé ses dépenses de 36,4%, le textile de 29%, le pétrole (malgré la concentration du secteur et la remontée des prix), de 13,1% à 7,1MM USD.
Seuls investissements en hausse : les matières 1ères (+0,9% et 8,8MMUSD). La question étant de savoir qui l’emportera, de l’optimisme des « politiques » et du « pessimisme » de la majorité des industriels.
Parmi les autres phénomènes qui marqueront l’an prochain, compteront :
1. L’entrée à l’OMC, qui ne devrait intervenir, vu la lourdeur du sujet, qu’après septembre 2000, mais qui pourrait avoir sur le marché un impact psychologique immédiat;
2. La restructuration des Entreprises d’Etat : vu l’ampleur du passif, elle ne saurait être achevée, comme promis, fin 2000;
3. Le conflit avec le Falungong (cf p.2, rubrique politique). Enfin, un paramètre central de la stabilité du pays, sera la pérennité du tandem Jiang Zemin (chef politique) et Zhu Rongji (l’économiste), populaire, mais isolé, affaibli, et comptant de nombreux adversaires. Une mise à l’écart de Zhu, risquant de compromettre bien des équilibres précaires.
Quelques dates ayant marqué 1999 – certaines préparées de longue date, d’autres ayant saisi la Chine par surprise :
– 6 avril : départ de Zhu Rongji pour les Etats-Unis, d’où il fera ses fameuses propositions d’entrée à l’OMC. Déclinées sur le fil par Bill Clinton, elles lui vaudront un affaiblissement politique. L’accord se fera 7 mois après, le 15 novembre.
– 25 avril : 1ère manifestation du Falungong, à 10000 aux portes de Zhong Nan Hai, venus de tout le pays – la police n’a rien vu venir. Après des années d’inaction, Pékin opte pour une fermeté tardive, face à un mouvement fort de 10aines de millions d’adeptes, en Chine et ailleurs.
– 7 mai : destruction par l’OTAN de l’ambassade chinoise à Belgrade, puis manifestation xénophobes à travers la Chine. Pékin a opté pour la Yougoslavie (à qui elle vient de prêter 300 MUSD) contre le Kosovo, tout comme, à présent, pour la Russie contre la Tchétchénie.
– 19 septembre : Plenum du Comité Central – adoption d’un plan de relance du crédit, de la planche à billets, et d’une privatisation larvée des Entreprise d’Etat.
– 1er Octobre : 50naire du régime, célébré à Pékin dans un faste compassé et inouï.
– 20 novembre : lancement et retour de Shenzhou, la cabine spatiale chinoise inhabitée.
– 20 décembre : retour de Macao à la Chine, deux ans et demi après Hong Kong.
Synergie inédite en Chine : Suez-Lyonnaise des Eaux (SLE), géant du traitement des eaux, s’associe à Shenyang Public Utilities (SPU, holding de services urbains de la capitale du Liaoning), pour devenir n°1 national :
[1] " Sino French Water ", Joint venture entre SLE, Lyonnaise-Asia et New World Infrastructure (Hong Kong), investit pour 25% du titre soumissionné par SPU en bourse de Hong Kong, et prend ainsi pour 9,9% de participation dans le groupe;
[2] Jacques Letondot, Directeur Général de SLE à Hong Kong, est nommé Directeur (non-exécutif) au Conseil d’Administration. Première nomination d’un étranger à ce rang dans une Entreprise d’Etat.
[3] La recette de la bourse de Hong Kong, soit 603,5M HKD, ira – surtout – au rachat et à la réfection de centrales de traitement des eaux.
En 1999, le fret chinois de Lufthansa a progressé à 11%. En incluant Hong Kong, la Chine est son 5èmemarché mondial (7% de ses revenus "cargo", 3,8 MMDM). Ce qui incite le transporteur allemand à dédoubler ses centres logistiques. Hong Kong conserve le "hub"-passager, Shanghai devient son centre pour le fret. En JV avec Air China, Lufthansa à Shanghai drainera des provinces l’export textile et des produits hi-tech, en plein essor.
A l’aube de son entrée à l’OMC, la Chine se dit la cible n°1 des mesures anti-dumping mondiales. En 20 ans, ses exports ont été frappés de 353 droits, pour 10 MMUSD en valeur, surtout dans les métaux, minéraux et produits chimiques (où les provinces se livrent à l’étranger une concurrence suicidaire).
Europe et Etats-Unis sont les auteurs les plus dynamiques de ce type d’actions (22% et 19%). Conseil N°1 du MOFTEC à ses industriels : mieux connaître les lois!
Pas de vague à l’âme chez le Père L. Seiqueira Supérieur des six jésuites de Macao et Principal du Collège Matteo Ricci – 1500 élèves, à deux pas des ruines de la cathédrale Saint Paul.
Pour le père Sequeira, l’avenir est tracé : « servir la jeunesse macanaise, selon ses besoins futurs. Nos professeurs sont laïques. La religion n’est enseignée qu’une heure par semaine et le portugais, en 3ème langue, après l’anglais et le mandarin ».
Le collège Ricci sera, pour les Jésuites, un outil primordial, pour gagner le pari du rattachement : « entre la découverte de Macao par
Saint François Xavier en 1551 et l’accueil à Pékin de Ricci, auteur du 1er dictionnaire sino-étranger, 50 ans se sont passés : c’est la durée que nous accorde Pékin, pour trouver, avec Macao, un nouveau rôle charnière, dans le cadre de son principe « un pays, deux systèmes »…
A Macao, le portugais va disparaître – presque tous les « expat » ayant déjà quitté. "Mais l’enjeu est ailleurs", affirme le Père Luis, dans un rôle de laboratoire social pour Macao, champ d’expériences testées en Europe,que Macao pourra relayer vers la Chine ,grâce à la confiance dont nous jouissons de l’autre côté de la frontière, bien plus que Hong Kong…Quand j’ai demandé à Pékin, à Qian Qichen, vice 1er Ministre, comment assurer l’avenir de Macao, il m’a répondu : « Continuez comme vos anciens, comme Ricci »!
Au fond, pour ce père « de choc », le changement de drapeau, plus qu’une fin, est une incitation à l’action: le 21 décembre, 1er
jour de Macao « réunifié », l’ordre jésuite fêtera l’ère nouvelle en réunissant dans l’enclave ses responsables de toute l’Asie, pour la 1ère fois dans son histoire : c’est à la fois un symbole, et un programme de « redépart » !
N°1 du PC chinois, Legend (Pékin) profite à fond des dernières années de protectionnisme hors OMC. Le groupe pékinois vient en 3 mois (du jamais vu) d’augmenter de 6% sa part du marché national, à 23%. Ses atouts : des prix 10 à 15% moins chers qu’IBM, HP ou Compaq (qui ont fait le pari de viser, jusqu’à hier, le marché haut de gamme), et un label "made in China" qui plaît.
Pragmatique, Legend n’a pas traîné à reprendre les méthodes américaines de management : deux plans de "stock option" en 1998 et 1999 (plus un 3ème, imminent), ont engendré dans Legend plusieurs centaines de jeunes cadres (- de 30 ans), millionnaires!
Au Centre et Nord chinois, la Révolution Cultrelle s’était éreintée à déboiser pour emblaver – créant une des sources des crues de 1998. Depuis 1985, l’on replante. 7% du plateau de loess ont retrouvé leur toit de verdure, suite à un effort intense de reboisement, sur 3,2M ha, en argousier, arbuste épineux ancrant la terre par leurs racines jusqu’à 10 m de fond.
D’ici 2015, ce plan couvrira 5Mha de plus, et préviendra la perte de 470 Mt/an de limon, qui se dépose pour le moment sur le bas cours du Fleuve Jaune (et d’autres cours), faisant pendre sur la région une formidable épée (liquide) de Damoclès. En défense de son environnement, la Chine veut dépenser 10MMUSD/an d’ici 10 ans.
Les PME sont plus de 10M en Chine (99% du tissu industriel!), assurant 75% de l’emploi urbain et 60% du produit industriel. Leur problème n°1: le crédit, que les banques leur refusent, par tradition et faute d’une comptabilité bien faite.
Concernant ces PME, la grande nouvelle vient du journal " Nouvelles financières " : un réseau d’assurance crédit se met en place, doté de 70 " institutions " locales. Avec leurs 4MMY de capital, elles garantiront pour 10 fois plus de prêts bancaires aux PME, réduisant ainsi la discrimination entre public et privé.
Irrité par le concert critique de l’Ouest contre « sa » guerre en Tchétchénie, à peine relevé d’une pneumonie, Boris Eltsine s’est rendu à Pékin (9/10 déc.), pour adresser à Bill Clinton, devant la presse, de vagues menaces nucléaires.
Le VDLC n’analyse pas les initiatives de pays étrangers, mais concernant la Chine, au-delà d’un soutien de principe (du droit inconditionnel des nations sur leurs provinces et de l’opposition aux USA), on note une réserve:s’attaquer aux USA, fragiliserait la Chine face au Congrès, qui entame l’étude de l’accord, pour son entrée à l’OMC.
La lutte contre le Falungong s’enlise.
A en croire une indiscrétion (de fonctionnaires sympathisants de la secte???), Pékin aurait donné aux provinces des quotas d’arrestations à remplir avant le 5 fév. (Nouvel An lunaire), contre le Falungong et sa douzaine d’avatars tels Xianggong, Zhonggong, dont certains compteraient des 10aines de M d’adeptes.
Loin de garder profil bas, le mouvement réplique samedi 11 depuis HK, en toute impunité (« Un pays, deux systèmes » !), par un « exercice » de 600 gymnastes mystiques devant les locaux de l’agence Chine Nouvelle, puis le lendemain, par une « conférence internationale » d’autant de participants. Pendant ce temps, en Chine, y compris au coeur de Pékin, actions et interpellations se poursuivent au quotidien – affaire non maîtrisée.
Une fois réalisé l' »assainissement » de l’imprimerie, et la fermeture de 25% des 12693 firmes (ayant passé dans leurs rotatives du matériel pornographique, superstitieux… ou du Falungong), l’Admin. de la presse et du livre s’apprête à fermer/fusionner 200 journaux (sur 2000 que compte le pays), diffusant à moins de 30000 exemplaires.
De création récente, ces titres semi-publics dépendant d’instances locales (pompiers, police) se voient reprocher de tourner à perte, de détourner, des quotidiens officiels, un lectorat précieux, mais peut-être surtout une liberté d’expression inconnue dans la grande presse.
Deux incidents récents au sein des forces de police, explicitent l’ampleur du problème des dettes insolvables, et les méthodes parfois peu orthodoxes des représentants de la loi pour tenter de faire face à la situation:
1. En octobre, sur mandat de la cour de Zhengzhou (Henan), trois huissiers (« police du tribunal ») et deux hommes de la firme créancière s’étaient rendus à Shantou (Guangdong) pour se saisir de la personne d’un patron débiteur de 3,5MY: ils furent détenus à leur tour par la police locale, fidèle à son « concitadin » plutôt qu’à la loi.
2. Genzi, ce mauvais payeur (1MY de dettes envers la province) encagé depuis trois mois, dans 1,5m3 d’espace vital, vient d’être relâché, avec 4 compagnons d’infortune, suite à une fuite dans la presse : depuis janvier 1998, pas moins de 50 débiteurs avaient subi le même sort, aboli en France depuis 1789.
Chine, Portugal et Macao sont aussi prêts que possible au grand retour de l’enclave, après 450 ans de protectorat conjoint :
[1] 300 hommes de l’Armée Populaire de Libération (APL) vont rejoindre leur caserne provisoire à Macao, après le « redépart », le 20 au matin, du Président J. Sampaio, du 1er Ministre A. Guterres et de l’ex-gouverneur V. Rocha . « Courtoisie » pékinoise, Lisbonne n’ayant pas approuvé le principe de ces troupes chinoises à Macao, que les lusitaniennes avaient quitté dès 1975.
[2] Trois autres contentieux seront réglés « par l’histoire, plutôt que par les hommes »: l’usage du mandarin dans l’administration, le statut des fonctionnaires, la » macanisation » de la loi.
[3] Fils des 2 cultures, Edmund Ho le nouveau gouverneur (44 ans), reçoit en viatique pour son administration, 1,25 MMUSD de Pékin (fonds des ventes foncières de l’enclave, cédé par Lisbonne dès1990), et 300M USD du Portugal.
[4]Déjà reliée par viaduc avec Zhuhai sa voisine (on parle aussi d’une autoroute du Delta, jusqu’à Hong Kong), Macao devrait recevoir des privilèges pour attirer les investisseurs taiwanais, afin d’en faire une base financière nationaliste vers la Chine.
[5] La police cantonaise n’a jamais fait tel effort pour nettoyer la pègre. Avec celle de l’enclave, menée par le Général Monge, elle vient de procéder à l’arrestation simultanée, de part et d’autre de la frontière, de 8 bandits coupables d’au moins cinq hold-up.
[6] Clairement, en dépit de son style « main de fer dans le gant de velours« , gardé depuis 12 ans, la Chine veut tout faire pour que ce retour de Macao soit une réussite : afin – elle n’en fait pas mystère – que l’enclave lui serve de modèle, style « appartement témoin « , pour le retour espéré de Taiwan!
A Taiwan en 1979, la belle Tsai s’était civilement mariée, puis suicidée,malade du veto de la belle-famille à l’union religieuse. 20 plus tard, Chang, le veuf, lui apporte la paix, en épousant devant Bouddha, son âme réinsufflée dans le plastique d’une poupée Barbie en robe blanche, parée du collier en or de la morte.
Durant le culte, une Mercedes de papier rouge fut brûlée. Les beaux-parents implorèrent le pardon de la bru. Puis Chang et sa miniature retournèrent à la maison, à trois (en comptant l’urne des cendres), rejoindre la 4ème, que Chang avait épousé après la mort de Tsai, avec son consentement. Tout ceci, sans nul délit de polygamie: rien n’est simple.
La Chine se console de ne pas être le berceau de l’humanité (elle provient, c’est établi, de la Corne de l’Afrique, il y a 1,5M d’ans), en se découvrant une des plus belles réserves paléontologiques au monde,comme le prouvent ces deux découvertes uniques : près de Kunming (Yunnan), des chercheurs chinois ont exhumé des fossiles de protovertébrés aquatiques de plus de 530M d’années, baptisés Haikouella, premiers êtres dotés d’une tête distincte du tronc et d’un cerveau trilobé.
Près de Shijiazhuang (Hebei) ce sont des empreintes d’iguanodons de 130M d’années qui ont été trouvées, pour la première fois en Asie : on ignore par quel indice, les chercheurs sino-nippons ont pu déduire que ces herbivores géants (plus de 10m) étaient en route depuis l’Europe.
20 décembre, Macao: Retour au pays- jour férié !
13 décembre : 10e anniversaire de la Journée Internationale de l’Enfance