Pour les pékinois non réfugiés dans les centres de « formation » (à la mer, à la montagne) de leur danwei (unité de travail), il y a, près de Pékin, une bonne adresse : Longmai wenquan, « Sources de la veine du Dragon », villégiature populaire…
Sous le dôme délité, deux immenses piscines. Dans la première, barbotent les masses, eau jusqu’à la taille. L’autre, olympique, est réservée à ceux sachant nager « au moins 200 m » – c’est-à-dire personne! Ca et là, se trouvent les bains minéraux aux tons troubles, vapeurs délétères et curistes rouge écrevisse.
L’espace regorge de crachoirs, fort utilisés, et de loges à claires-voies égayées de fleurs et vignes en plastique – antres de vastes familles. Cent autre facilités sont à louer : les baignoires sabots de bois, les mini piscines que l’on vous remplit d’eau thermale enrichie de sachets Lipton géants d’herbes médicinales; les chambres (TV, karaoké) à la semaine. Sans parler du restaurant, des massages, des magasins ou des dortoirs (seules salles non mixtes, avec les vestiaires). Ni de cette autre « Piscine » d’un genre mutant, remplie de carpes stoïciennes et de barbeaux lugubres, que l’on dévore « au bleu », après un simulacre de pêche.
La clientèle change avec la crise. En 1997, c’était encore les getihu (camelots du marché libre) et taxis qui s’y retrouvaient la nuit, pour flamber au cognac leurs gains éphémères. Avec le marasme, place aux nouveaux riches : à l’aube, dégrisés par un dernier plongeon, les fonctionnaires se battent à la caisse, pour payer leur note et être quand même au bureau à l’heure!
Sommaire N° 28